Arlis des forains
de Mélanie Fazi

critiqué par Cédelor, le 22 septembre 2017
(Paris - 52 ans)


La note:  étoiles
Du fantastique original, à la fois doux et amer, poétique et profond.
Livre trouvé lors d’une journée « débarras » à une médiathèque d’entreprise qui se délestait des livres qu’elle ne voulait plus proposer en prêt. Le titre du livre, l’image de la couverture, le résumé de la 4ème de couverture, l’estampille SF et le nom de l’auteur (inconnu) qui révèle une femme, tout ça m’a donné envie de le découvrir.

J’ai découvert une auteure au style long, doux, prosateur, qui aime prendre le temps de dérouler son histoire, douée d’une certaine acuité psychologique. Tout ceci mis au service d’une histoire fantastique et onirique. En commençant la lecture, j’ai cru d’abord entrer dans un roman de Stephen King puis, par la suite, le récit évolue vers sa propre originalité, plus personnel à l’auteure, à la fois doux et amer, poétique et profond.

J’ai assez aimé m’y laisser couler dedans, et plus encore que le récit, j’ai apprécié le style de l’auteure qui m’a fait prendre beaucoup de plaisir à le lire. Quand elle déroule son histoire, on est surpris par les qualités prosatrices et la profondeur d’analyse qu’elle y déploie. Quant à l’intrigue elle-même, celle d’Arlis, ce petit garçon, qui fait partie d’un groupe de forains, elle a ses qualités, mais aussi ses défauts.

Le cadre du roman m’a semblé quelque peu hors du temps. Ça se passe aux Etats-Unis, une Amérique plus rêvée que réelle, une Amérique imaginaire. On se demande pourquoi l’auteure a voulu le situer là. Tel que c’est décrit, ça peut se passer n’importe où. Pas besoin spécifiquement des Etats-Unis pour que cette histoire puisse se raconter. Et le reste est fait de la même étoffe, une sorte de conte réaliste aux teintes oniriques qui nous entraîne avec curiosité dans ses péripéties fantastico-poétiques.

C’est l’histoire d’un petit garçon, qui a toujours vécu dans une troupe de forains itinérants, et de ce fait ne peut pas aller à l’école. C’est un de ses grands regrets, de ne pas pouvoir aller à l’école, d’ailleurs et il jalouse tous ces enfants qu’il croise dans les villes où sa troupe se produit, parce qu’ils y vont, eux, à l’école. L’ironie, c’est que ces enfants, justement le jalousent, lui, de ne pas être obligé d’aller à l’école et de toujours voyager. Cet enfant, c’est un orphelin, c’est la troupe qui l’a recueilli tout bébé, un jour, sur le bord du chemin. Il ne connaît donc pas ses véritables origines. Toutes ces singularités (et d’autres, qui sortent de l’ordinaire) qui en font un enfant pas comme les autres et lui ont donné une maturité supérieure à la moyenne des enfants de son âge. Et même un peu trop quand par moment, il raisonne comme un adulte. Bref, c’est la base de l’histoire.
C’est un peu inclassable comme genre, j’ai du mal à situer précisément ce qu’il en est, mais une chose est sûre, ce n’est pas de la science-fiction, mais bien du fantastique, un fantastique qui n’est pas du genre à en mettre plein les yeux mais se place doucement, parfois suggéré, parfois montré, qui va crescendo jusqu’à la fin sans couches inutiles d’hémoglobines ruisselantes ou scènes d’actions censés terroriser. J’ai apprécié cela. J’ai apprécié aussi la capacité du roman à faire éprouver chez le lecteur des émotions liées d’Arlis et/ou à d’autres personnages qui vivent autour de lui. De l’humanité, il y en a, même si c’est de la fiction !

On peut être déçu par certains développements du roman qui ne sont pas ceux qu’on aurait attendus, mais au final, c’est un bon roman, qu’on lit avec un peu d’étonnement, qui a donc ses défauts mais aussi ses qualités qui valent bien la peine qu’on s’y intéresse. Mélanie Fazi, je relirai bien un autre de tes romans pour me faire une idée plus exacte de tes talents !