L'exercice de la médecine
de Laurent Seksik

critiqué par Monocle, le 22 septembre 2017
(tournai - 64 ans)


La note:  étoiles
Végam nefesh (et aussi l'âme de...)
Laurent Seksik lance une invitation au voyage à travers quatre générations mutilées.
Issus de la même souche Pavel, Mendel, Natalia (sœur de Mendel), Tobias et Léna sont médecins et juifs.
L’histoire débute en 1904 dans la Russie du Tsar. Pavel victime d’un pogrom aura réussi à sauver deux de ses enfants avant sa mort. Son fils Mendel est envoyé afin d’étudier la médecine à Berlin, cette ville de toutes les tolérances où les juifs ont la citoyenneté allemande, peuvent voter et accéder aux fonctions d’état.
Profitez de cette courte trêve, fils et filles du peuple élu, car le rêve prendra bientôt fin.
Et la fin a lieu en 1933. Un petit garçon regarde ce grand bûcher où des milliers de livres mis à l’index brûlent devant des hommes en chemises brunes.
Ce petit garçon rêve d’être chirurgien, comme son père et son grand-père la médecine est la marque de fabrique de la race.
Il s’appelle Tobias et ce soir à la lueur du brasier de papier il perdra ses illusions… et une phalange d’un doigt.

Paris 2015, Léna est une jeune femme, un peu solitaire. Elle est cancérologue dans un hôpital parisien. Elle porte en elle le poids d’un passé lourd et encombrant. Elle a du mal à se donner, elle est si discrète, si secrète, comme si elle avait recueillit le don de se fondre pour se faire oublier.
Sera-t-elle la dernière de sa lignée ?
Parfois elle rêve d’une échographie lui annonçant la vie. Ce serait comme si les cloches carillonnaient dans sa tête, proclamant jour de fête et de réjouissances, célébrant une nouvelle ère, annonçant une renaissance. Des pulsations d’un petit coeur qui battraient la mesure d’une valse joyeuse, trois temps, passé, présent, futur, lui donnant envie de danser, la faisant glisser dans tout son rêve et tournoyer dans de grands bals. Elle irait sous d’immenses lustres, le long de miroirs gigantesques, enivrée par cette musique. Ces battements vibrants dans l’air feraient comme un feu d’artifice.

Laurent Seksik m’avait enchanté avec « le cas Eduard Einstein », il revient avec une grande histoire où la judaïté se combine avec la pratique de la médecine.
J’ai particulièrement apprécié ce travail d’écriture, un phrasé intelligent et adapté, un style de haut vol et une trame de de qualité.
Un très, très bon roman.