Gold Star Mothers
de Catherine Grive (Scénario), Frédéric Bernard (Dessin)

critiqué par Shelton, le 19 septembre 2017
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Une très bonne bande dessinée !
Certaines bandes dessinées peuvent sembler atypiques et sans aucune utilité et c’est ce que m’a dit une personne qui venait de lire Gold Star Mothers. C’est d’ailleurs cette réaction qui m’a poussé à écrire plus vite que prévu sur cet album car je ne suis pas du tout d’accord avec cette vision…

Oui, c’est vrai que dans l’univers des bandes dessinées – pour se limiter à ce domaine de l’édition – sur la Guerre de 14-18, cet album peut sembler dans un autre tempo, d’un autre rythme, un peu en retrait… On n’y parle pas de la guerre directement, aucune scène de bataille, aucune explication historique, aucun soldat en grande tenue de combattant… Et, pourtant, on ne parle que de la guerre et de sa réalité humaine ce qui me semble bien le plus important…

Resituons le contexte. Cette première guerre mondiale a duré cinq ans de 1914 à 1918 et les victimes les plus nombreuses viennent de trois pays, France, Allemagne et Russie. On compte d’ailleurs ces victimes en millions et c’est vrai que l’on peut penser que les plus de 116000 morts américains sont un peu secondaires. D’ailleurs les Américains ne sont venus que tardivement dans cette guerre et les Etats-Unis n’ont pas eu la guerre sur leur territoire…

Il n’en demeure pas moins que leur arrivée dans le conflit a considérablement aidé les Alliés ce qui rendait d’ailleurs légitime leur présence dans le défilé du 14 juillet 2017 sur les Champs Elysées. Et j’ai trouvé que la scénariste de cette bande dessinée a su trouver un biais exceptionnel pour entrer dans la commémoration… Elle nous raconte le voyage d’un groupe de mères de combattants sur les lieux des combats et dans les cimetières où sont enterrés les membres de leurs familles…

En fait, les Etats-Unis ont organisé plusieurs voyages de ce genre en offrant, tous frais payés, un voyage à ces femmes. Cela durait généralement quatre semaines, une pour y aller en bateau, une à Paris, une sur les lieux et une pour revenir… Ces femmes sont choyées durant tout le voyage où elles n’ont pas le droit de dépenser d’argent leur appartenant et elles doivent porter en continu cette fameuse médaille, Gold Star…

On peut trouver qu’il ne se passe pas grand-chose durant ce voyage – la bande dessinée retrace un de ces voyages – mais en fait si on lit bien cet album on réalise que l’on va faire connaissance avec des Américains qui, volontairement, vont accepter de venir mourir sur notre territoire pour notre liberté. Certains le font par idéalisme, d’autres par qu’ils aiment l’aventure, qu’ils s’ennuient chez eux… mais au bout de leur guerre, des mères, plus rarement des épouses, connaitront un deuil terrible et n’auront pas toujours envie de faire rapatrier le corps sur le sol américain… Trop difficile ? Besoin de laisser les combattants entre eux, même unis dans la mort ? Oui, il y a un peu de tout cela et d’ailleurs l’émotion est forte plus on se rapproche des champs de bataille et des tombes…

J’ai beaucoup aimé cette bande dessinée merveilleusement dessinée par Fred Bernard avec beaucoup de délicatesse et de sens humain. J’ai aimé parce que cela rappelle que la guerre est toujours un drame humain, que derrière ces combattants morts pour la liberté, pour la France ou leur pays, il y a des fils, des maris, des frères que des proches vont pleurer longtemps, et qui seront pour certains définitivement inconsolables !

Attention, cette bande dessinée n’est pas du tout mortuaire et triste, pathétique ou poussant à la dépression… On peut rendre hommage et se souvenir avec un humanisme paisible. On est plus de dix ans après la guerre et les douleurs se sont atténuées ce qui ne signifie pas qu’elles ont entièrement disparu…

Finalement, c’est probablement la bande dessinée qui manquait pour que la célébration de cette guerre par la bande dessinée soit complète !!! Merci aux auteurs et en particulier à Catherine Grive qui eut connaissance de ce fait et qui a tout fait pour nous le raconter… Elle en a d’ailleurs fait un roman qui sort aux éditions Lattès, Reste le chagrin…