Nous Etions de Ceux-la
de Julien Tardif

critiqué par Débézed, le 16 septembre 2017
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Désespoir en vers et contre tous
Pour proposer son premier recueil, de la poésie très libre, très contemporaine, très novatrice, Julien Tardif s’est affranchi de toutes les contraintes qui auraient pu entraver l’expression, le sens et même la forme de son texte. Il dicte ses propres règles : détermine la forme qui oscille entre vers et prose, décide de la ponctuation qui rythme son texte et même de la mise en page. Malgré cette très grande liberté d’expression, il n’hésite pas à placer des formules de style habilement tournées comme ces quelques vers dans lesquels on peut voir un zeugme :

« J’ai changé d’avis aujourd’hui
Pris certains vêtements
Pris le métro
Et mon vélo »

Et ces quelques autres où résonne de jolies assonances à l’image de celle-ci :

« Tant veut le vent que l’attend le vent
Tant veut le temps que l’attente
Tant vend le temps que l’attente élégante
Désastreuse ».

Mais le recueil de Julien Tardif n’est pas seulement un exercice de style c’est aussi un message qu’il adresse à ceux qui croient encore en un avenir possible. Il prévient clairement le lecteur à travers les quelques lignes qu’il propose sur la quatrième de couverture : « L’écriture … est un exutoire, une forme de rébellion à l’égard des derniers optimistes encore sérieux : je ne parle pas ici des touristes de la vie moderne qui seuls encensent le vice : j’écris pour les êtres vivants… » Il l’affiche clairement, il prône la rébellion contre les optimistes, il ne croit plus en la vie.

Concentré de révolte, condensé de rage, épure de désespoir, et même esquisse de colère, la poésie de Julien Tardif laisse aussi parfois la place au lecteur pour qu’il termine un ver avec son propre désarroi. Cette poésie sonne comme un protest song de Bob Dylan : « Le temps était venu d’oublier, de créer et de croire en la mort et de la désirer plus que la vie elle-même… ». Comment afficher et proclamer un tel désespoir quand on possède la musique et qu’on peut la glisser aussi adroitement dans les vers : faire sonner les mots sur un rythme du Boléro à la manière de Ravel ? Mais, dans ce recueil, même la musique semble morte, elle ne rythme plus aucun espoir, elle n’est plus que requiem.

« Je ne suis plus de ce monde
Ici personne n’en sort
Ainsi soit-il et
C’est lundi – adieux vautours ».