Et l'avenir était radieux
de Bernard Dionne

critiqué par Libris québécis, le 4 septembre 2017
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Guerre civile espagnole
Quand on est jeune, on veut s‘engager pour défendre la Cause, en l’occurrence la nouvelle république d’Espagne que le très nationaliste Franco tente de renverser par un coup d’État avec l’appui de l’Allemagne, de l’Italie et du Maroc. Il faudra 600,000 morts avant de capituler devant le dictateur en herbe. Le régime républicain compte sur le soutien timide de la France, de l’Angleterre et de la puissante armée russe, plus intéressée à instaurer le communisme en Espagne que de combattre le fascisme de Franco. À ce contingentement se joignent des jeunes Canadiens dont la participation à cette guerre est interdite par notre Gouvernement. Tout de même, 300 hommes, appartenant tous au parti communiste, partent pour affronter l’armée franquiste. Quel défoulement que de se venger du Premier ministre Maurice Duplessis pourchassant tous ceux qui s’opposent aux valeurs bourgeoises ainsi que d’Adrien Arcand, un fidèle défenseur d’Hitler, qui a créé une brigade pour se débarrasser des communistes du Québec, fort actifs à l’époque

En tête de liste des sympathisants de la république espagnole vient le Dr Norman Bethune désireux de pratiquer des transfusions sanguines. Avec lui, il entraîne Mathilde Lecompte, l’infirmière qui l’assiste à l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal. Ils s’installent à Madrid pour sauver la vie de tous ceux qui sont blessés au front. D’autres Canadiens dirigent des troupes républicaines sur tous les fronts où se tiennent les combats. Victorieuses au début, elles subissent finalement des défaites magistrales, y compris le bataillon MacKenzie-Papineau formé de Canadiens.

Franco vainc donc ses adversaires grâce à des alliés de premier ordre. Sa tâche lui est d’autant plus facilitée à cause des dissensions au sein de ses adversaires. Les communistes staliniens, les trotskistes et les anarchistes, venus en renfort pour soutenir les républicains, se nuisent entre eux, poussant même la rivalité jusqu’à s’entretuer. La déroute s’annonce alors prévisible à cause de ces déchirements internes et du manque d’armement dont les alliés se montrent chiches. On affaiblit ainsi les maillons de la chaîne, qui pourtant promettait un avenir radieux comme l’indique le titre.

Ce canevas met en exergue les relations des divers personnages composés de gens connus, tels Hemingway et Paul Nizan. La plupart font partie de l’Histoire de la guerre civile d’Espagne et les autres ont bel et bien existé sous un nom fictif. De la centaine de protagonistes, seuls cinq découlent de l’imaginaire de l’auteur. Ce grand nombre n’empêche en rien de les suivre aisément. C’est un tour de force narratif que de faire vivre à tous des situations conflictuelles. On s’adresse des reproches, on se dispute à propos des tactiques militaires. On suspecte autrui d’être un traître, on s’accuse mutuellement de mal servir la Cause. Bref, le manque d’harmonie pave la voie à la victoire franquiste.

En filigrane se tissent des amours avortées ou heureuses. Ce volet est le maillon le plus faible de la chaîne narrative. Ça sent la guimauve, en particulier l’amour de Mathilde pour le beau David, un juif québécois. Mais tout de même, l’auteur profite de cet élément pour souligner le repliement des Québécois sur des valeurs qui s’inspirent de l’intégrisme.

C’est un roman intéressant, mais il est inachevé comme œuvre historique. Et les éternelles mésententes entre les protagonistes lassent à la longue. L’auteur s’est trop arrêté aux différends entre les factions venues prêter main forte à la nouvelle république.