La douleur du chardonneret
de Anna Maria Ortese

critiqué par Pucksimberg, le 2 septembre 2017
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Une sacrée expérience de lecture
A la fin du 18ème siècle, trois hommes quittent Liège pour se rendre à Naples afin de rencontrer un célèbre gantier dont l'une des filles est réputée pour sa beauté. Ces trois hommes sont le prince Neville, le sculpteur Dupré et le riche commerçant Nodier. Arrivés dans cette ville solaire, ils fréquentent la famille de Don Mariano Civile et tombent sous le charme d'Elmina, jeune fille énigmatique. Très vite, cette jeune femme suscitera des réactions contradictoires entre fascination et peur. Pour faire mal à sa soeur, elle aurait tué son chardonneret. Ce fait va hanter les personnages et le roman. Cet oiseau sera la fil conducteur du roman en étant dans une première partie un animal, dans la seconde partie il prend une allure plus abstraite.
Dans ce roman, le lecteur sera confronté à des faits irrationnels et croisera des personnages très différents les uns des autres comme ce nécromancien, ce petit personnage avec une plume sur la tête, des noms qui disparaissent sur des pierres tombales, un personnage qui avoisinerait les 300 ans, un lutin ... Oui ce roman surprend le lecteur et bascule dans le merveilleux. Il a des allures de conte sans répondre toutefois à tous les codes du genre ( la fin par exemple )

Ce roman est très original et ne ressemble à rien de ce que j'ai lu jusqu'à présent. Bien qu'écrit au XXème siècle, l'on a le sentiment qu'il appartient à une époque bien antérieure. L'écriture est belle et demande de la concentration. Anna Maria Ortese pratique peu la phrase courte. En effet de nombreuses propositions s’enchâssent, des parenthèses sont insérées régulièrement comme autant de digressions qui peuvent dérouter le lecteur. Le narrateur intervient ponctuellement dans ce roman et qui fait presque entrer dans l'envers du décor en nous faisant garder à l'esprit que ce n'est que de la fiction. Le rythme est lent, parfois trop lent. On peine à avancer.

L'histoire se construit grâce à certaines rencontres et à certaines confidences ou même des rumeurs. Par ce choix, ce qui est décrit est discutable, les faits ne sont pas sûrs et parfois sont contredits quelques pages plus loin. La fiction repose sur l'invention, la création, et chaque être humain qui rapporte des faits crée une histoire comme l'écrivain. Il faut donc rester bien concentré car ce qui a été lu n'est jamais acquis comme fait incontestable. Le lecteur ne cesse de s'interroger sur le personnage principal féminin. Est-elle cruelle ? Est-elle capable d'aimer ? De quel mal souffre-t-elle ? Qui est ce chardonneret ? Que symbolise-t-il ?
L'on en vient à apprécier un personnage durant 100 pages et à s'en méfier par la suite. Cela peut être déstabilisant.

Ce qui m'a le plus gêné dans ce roman, c'est la lenteur. Je m'y suis parfois ennuyé même si je lui reconnais des qualités littéraires.

Prix du roman étranger en 1998.