Les têtes rousses de Claude Lamarche

Les têtes rousses de Claude Lamarche

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 25 août 2017 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 6 étoiles
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Les Irlandais de Montréal

L’Irlande a vécu une tragédie au milieu du 19e siècle quand les pommes de terre pourrirent sous l’effet du mildiou. On mourait de la famine engendrée par cette maladie qui détruisait les récoltes, en particulier à Roscommon, village natal des protagonistes. La situation était d’autant plus pénible que le peuple irlandais était soumis à l’autorité de l’Empire britannique qui était plutôt insensible aux conditions de vie de ses commettants. La pauvreté régnait tellement en maître sur le territoire que la population désirait quitter le pays en quête d’un sort meilleur. Et le Canada leur semblait la destination idéale même si ce pays vivait lui aussi sous la botte d’Albion. Mais, au moins, les récoltes étaient abondantes au pays de la poudrerie (blizzard).

L’auteure raconte comment les orphelins Bushell, tous des roux, en sont venus à quitter l’Irlande en 1847 pour s’établir au Canada-Uni, comme on appelait notre pays à l’époque. Sous l’égide de Bridget, l’aînée de la famille, tous suivirent leur grande soeur. Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils se sont exilés en laissant derrière eux un grand-père avec qui ils partageaient leur vie. La famine et la pauvreté qui en découlait les ont chassés des abords du fleuve Shannon. Ce n’est pas parce qu’ils sont partis qu’ils ont réglé leurs problèmes. Encore fallait-il traverser l’Atlantique sur un voilier dépourvu de toute hygiène. On y mourait comme des rats. Après une petite prière, on jetait les cadavres par-dessus bord. La famille atteignit finalement Gosse-Île situé en aval de la ville de Québec, où les bateaux faisaient escale pour laisser descendre les émigrants afin d’être soumis à la quarantaine. S’ils ne mouraient pas sur l’île comme ce fut le cas pour des milliers d’Irlandais, on appareillait un bateau à destination de Montréal, situé en amont. Heureusement, les Bushell survécurent et purent atteindre la métropole. Mais au prix de quelles souffrances !

C’est à Saint-Henri-des-Tanières, un village à l’époque de l’île de Montréal, qu’ils trouvèrent enfin un toit. La vie n’était pas plus rose qu’en Irlande. La pauvreté leur interdisait de profiter de leur nouvelle situation. Ils occupèrent des emplois mal rémunérés chez les bourgeois. Ils parvenaient à peine à se chauffer et à se nourrir. Ils surmontèrent tout de même leur infortune pour enfin vaincre le mauvais sort. Ce n’était pas le Pérou, mais, du moins, ils menaient une vie plus ou moins acceptable et s’adaptaient plutôt bien à la culture française d’Amérique. Les filles apprirent rapidement à tricoter des mitaines (moufles) et des tuques (bonnets) pour se protéger du froid.

Ce contexte à servi de toile de fond à l’auteure pour broder une histoire strictement familiale dominée par l’aînée Bridget Bushell. L’élément historique ne sert que d’appui pour lancer les protagonistes dans une dynamique d’immigration. Comment s’adapte-t-on à son pays d’adoption ? Cette famille privée de leur père et mère se débrouille plutôt bien. On peut dire que c’est une intégration réussie d’autant plus que la religion catholique les unit à la nation québécoise ainsi que l’appartenance à la même classe sociale. Ces conditions facilitent les rapprochements, particulièrement à Saint-Henri où vit une concentration d’Irlandais. Il faut dire que la construction à proximité du canal Lachine, ouvrant la navigation en amont de Montréal, attire la main d’œuvre. Québécois et Irlandais se retrouvent nombreux sur les mêmes chantiers de la ville en plein essor.

C’est avec cette donne que le roman aborde en priorité les sentiments des membres de cette famille. Il trace le tableau psychologique de tous et chacun, mais en particulier celui de Bridget, la sœur poule qui a toujours peur que surviennent des malheurs à ses frère et sœur ainsi qu’à ses enfants nés d’un mariage avec un patriote connu lors de la traversée. Les liens familiaux forment le noyau de l’œuvre. L’auteure les regarde vivre avec tendresse, voire avec beaucoup d’amour du fait que ses parents sont issus de ce clan. En fait, c’est un hommage aux siens. Comme tel, c’est réussi et émouvant.

C’est donc une œuvre qui passe par l’Histoire pour aborder le problème de l’intégration des immigrants. La narration est crédible, mais le volet historique n’est qu’effleuré. Pourtant, il est important parce qu’il compose l’élément déclencheur de ce projet littéraire. On s’attarde également trop aux états d’âme des protagonistes. Ça devient ainsi un peu fleur bleue. Par contre, la trame se déroule à un train d’enfer. L’auteure ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis. Aucune redondance en 270 pages. C’est expéditif, voire trop. Bref, ce roman se lit avec les tripes et vise un large auditoire.

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