100 Soleils : 1945-1962
de Michael Light

critiqué par Sahkti, le 4 mai 2004
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Etrangement dérangeant
Michael Light prévient, il nous livre "des condensés de sauvagerie humaine. Toute personne consciente se détourne d'instinct avec horreur". Pas sûr, tant ces spectacles peuvent être beaux et envoûtants. Mais de quoi s'agit-il ? J'oubliais de vous le dire...

Entre juillet 1945 et novembre 1992, les Etats-Unis ont procédé à 939 essais nucléaires atmosphériques et sous-marins.
Michael Light a recueilli cent photographies de ces explosions nucléaires, des photos de l'horreur qui captent pourtant l'attention de l'oeil, par leur beauté avant tout. J'ai envie de vous citer en exemple la méduse blanche immense (n° 15) due à Sugar dans le Nevada en 1951 (1,2 kilotonne) ou le magnifique champignon bleu (n° 82) au large de Christmas Island en 1962 (210 kilotonnes).
Monstrueux n'est-il pas, mais l'oeil et l'esprit sont ainsi faits qu'ils se prennent de passion pour ces jeux de lumière et ce symbolisme de la mort.
Pour la plupart, ces images sont dues au 1352e groupe photographique de l'US Air Force, oeuvrant depuis la base aérienne Lookout Mountain Air Force Station à Hollywood où, pendant longtemps, ces photos furent tenues secrètes.
L'explication du titre est dans le texte : suite à la première explosion nucléaire du monde au Nouveau-Mexique, J. Robert Oppenheimer a dit "Si la lumière de mille soleils devait exploser d'un seul coup dans le ciel, cela égalerait la splendeur du Tout Puissant..."

L'ouvrage est découpé en deux parties, le désert et l'océan, avec les essais dans le Nevada et ceux du Pacifique, chaque photo étant accompagnée de sa légende (nom de l'essai, date, puissance, localisation).
Bref mais efficace, tout autre commentaire étant superflu, l'indescriptible parle de lui-même par la force des images.
A la fin, une importante bibliographie, ainsi que des données techniques et historiques, brisent toute torpeur qui aurait pu naître de la beauté de ces images. Les faits sont rappelés, violents et cruels. Un réveil brutal et nécessaire, histoire que l'esthétique de l'horreur ne nous permette jamais de l'accepter.