Comment la France a tué ses villes
de Olivier Razemon

critiqué par Fanou03, le 7 août 2017
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
La fin du petit commerce
Comment la France a tué ses villes fait le constat du déclin actuel rapide des villes, en particulier les villes moyennes. Même si ce déclin se caractérise sous différentes formes (paupérisation des populations de centre-ville, vacances des logements…), il est en particulier fortement marqué par la fermeture progressive des petits commerces. Les maux qui font agoniser le commerce de centre-ville sont en effet légions, nous explique l’auteur : agressivité de la grande distribution, qui tend à imposer son modèle de zones commerciales toujours plus grandes, laisser-faire des élus, malgré leur promesse, suprématie de la voiture individuelle dans les transports, sans oublier notre propre passivité de consommateur.

Le livre pointe les choix historiques ou les dysfonctionnements qui ont amené progressivement à cet état de fait, notamment la mise en place de transports publics peu efficace et peu tournés vers les besoins des salariés (« Dans le bus, on croise des collégiens réfugiés derrière leurs écouteurs, des personnes âgées, silencieuses, presque résignées et des femmes voilées qui ne passeront jamais le permis de conduire: des jeunes, des vieux et des pauvres »). Il faut dire que la dialectique entre le transport automobile individuel et les autres types de transports "durables" (transport en commun, vélo, piéton) est un des nœuds essentiels de ce problème, selon l'auteur. Si il minimise, à mon sens, la difficulté, ou en tout cas le ressenti qu'on les automobilistes pour se garer en centre ville, ces réflexions sur la place accordé au vélo et au piéton est tout à fait juste. On apprend à cette occasion avec grand étonnement (effarement même !) que certains cités (Thionville par exemple) ont même supprimé des pistes cyclables pour tenter d'améliorer la place de la voiture en centre ville !

Dans un style très agréable à lire, l'essai s’appuie à la fois sur des données chiffrées et sur moult exemples récents. Olivier Razemon, à travers un « tour de France » des villes, illustre la dévitalisation des centres urbains, qu’ils soient plus ou moins importants : Béziers, Périgueux, Privas, Soissons, Saint-Étienne ou encore Dunkerque. Il rappelle à ce titre deux controverses médiatique savoureuses, en 2015, révélatrices de ce déclin : un article du Monde consacré à Saint-Étienne et titré rien que moins « Saint-Étienne, capitale des taudis » et la réflexion de Catherine Deneuve, de passage en tournage sur Dunkerque qui disait « ça m’a semblé d’une tristesse, cette ville ! C’est un port, certes, mais ce qui marche vraiment, ce sont les cigarettes et l’alcool »

Olivier Razemon d’ailleurs critique ces visions réductrices: « Il faut passer sa vie en plein centre de Paris pour imaginer encore des cités de provinces prospères, animés par des boutiques de quartier où le notaire soulève le chapeau pour saluer la mercière » et précise que seules les grandes métropoles (Lyon, Nantes, Lille,…) voient le niveau de leur centre-ville se maintenir ou s’enrichir. Dans les autres, les classes moyennes s’installent dans la première, voire la deuxième couronne, laissant les centres urbains se vider de leur substance.

Comment la France a tué ses villes développe une analyse fine de la dynamique urbaine et de ses différentes composantes (dynamique sociale, transport public,...). L'ouvrage se révèle au final assez pessimiste, voire alarmant sur le sujet. Sa conclusion, où sont énumérées quelques idées qui pourraient revitaliser les villes (développer les infrastructures pour le transport cyclable, sensibiliser les consommateurs, interdire définitivement toute nouvelle création ou agrandissement de zones commerciales) ne m’a malheureusement pas convaincu.