Amqui
de Éric Forbes

critiqué par Libris québécis, le 14 juillet 2017
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Carburer à l'hémoglobine
Au Québec, quand on est condamné pour meurtre, l’accusé écope d’une peine de 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle avant d’avoir purgé le tiers de sa sentence. L’auteur Éric Forge, originaire de la ville éponyme du titre de ce roman noir, ne s’embarrasse pas des lois en vigueur. Après quatre ans d’incarcération, son héros est libéré à la demande d’un policier de la Gendarmerie royale qui, de plus, lui offre un revolver. Cette œuvre gore destinée à ceux qui carburent à l’hémoglobine accumule les invraisemblances à un rythme fou selon les normes du genre.

Tous les personnages du roman sont assassinés jusqu’à ce que le meurtrier se retrouve sans encombre en France comme libraire. Le héros, Étienne Chénier, est l’assassin de tous ceux qui suivent sa trace pour l’éliminer. Et ils sont nombreux. Pourquoi veut-on le tuer ? Il faudra attendre patiemment l’épilogue avant de le savoir. Ça ne crée pas pour autant de suspense. Après un prologue très prometteur s’en suivent des séances de tuerie sans que l’on en connaisse la raison. Évidemment, Étienne s’en sort toujours sans une égratignure après avoir vaincu son adversaire dans un bain de sang.

Le roman noir glorifie la criminalité. Le meurtrier sans peur et sans reproche devient un héros sympathique qui est une victime plutôt qu’un agresseur. Il défend la probité des siens que l’on a bafouée. Le pauvre Étienne Chénier ne serait, semble-t-il qu’un passionné de lecture initié par un grand-oncle député dans la vallée de la Matépédia où se situe la ville d’Amqui. De quoi veut-il se venger pour que tous les Amquiens en aient si peur ?

L’auteur a péché par excès. Au départ, un tandem de détectives le poursuit pour s’en être pris au chauffeur de taxi qui le ramenait de la célèbre prison de Bordeaux au centre-ville de Montréal. Leur enquête intéressante va bon train jusqu’à ce qu’ils gouttent à la médecine du héros. Disparus, ils cèdent le champ d’investigation à une cohorte de fier-à-bras qui mettent tout en œuvre pour liquider Étienne. La suite est un salmigondis conçu dans l’unique but de désorienter le lecteur. On n’est pas désorienté, on est ennuyé par toute cette pléthore d’affrontements entre gladiateurs sanguinaires, dont les noms évoqués pourraient composer un petit bottin téléphonique.

Ce n’est pas vraiment un polar. L’enquête policière est rapidement abandonnée au profit d’une flopée de meurtres commis avec plaisir. Le remords et le doute échappent au profit des combattants. Ce sont des robots à l’exception du tandem policier du prologue. Bref, c’est une œuvre à oublier. Par contre, les chroniqueurs littéraires de Montréal l’ont encensée. « Croyez-moi, ce n’est pas tous les jours qu’un roman de cette densité fait son apparition ici. » (Christophe Rodriguez du Journal de Montréal.) Norbert Spehner de La Presse en rajoute : « Dans ce premier polar très noir, Éric Forbes fait preuve d'une remarquable maîtrise des rouages du roman noir et nous propose une histoire féroce, sanglante, au rythme d'enfer. »