Une histoire du crime passionnel : Mythes et archives
de Benoît Garnot

critiqué par Falgo, le 13 juillet 2017
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
De passionnel à passionnant
Ceci est un livre d'histoire, un écrit d'historien. Et, comme souvent, il présente l'occasion d'une réflexion profonde sur le sujet. Un grand nombre de gens est intéressé par ce genre de crimes et, pour cette raison même, les média en sont friands. Par effet de rebondissement ils font vendre du papier, du temps télévisuel et numérique. La qualité du travail de Benoît Garnot ajoute à cet intérêt de base car il en enveloppe toutes les facettes. D'abord une perspective chronologique fait remonter le phénomène aux mythes des dieux grecs pour le décrire dans ses évolutions au cours de périodes successives (à condition bien sûr qu'elles soient documentées par des archives): Moyen Âge, Renaissance, période classique, et inflexions au XIX° jusqu'au cas Cantat-Trintignant. De plus, faisant appel à d'autres disciplines scientifiques (sociologie, anthropologie, psychologie, etc.) il recense des dizaines de cas tirés des archives judiciaires et des média pour établir une sorte d'exhaustivité du crime passionnel. Il éclaire en particulier les évolutions des points de vue juridiques et sociaux. Exploitant la psychologie et les apports de Freud, il révèle les causes maintenant admises pour la commission de ces crimes: le narcissisme exacerbé et la jalousie maladive. Ce mode d'explication un peu direct cache une beaucoup plus grande complexité. "Dans cette perspective, la passion amoureuse n'est pas un amour de l'autre mais un amour de soi, fasciné et halluciné de son reflet dans les yeux de l"autre." (p.140).
Et là apparaissent les multiples causes de complexité tant sur les raisons profondes que sur la chronologies du passage à l'acte. Entre amour et honneur? amour et orgueil? amour et définition de soi? où est la vérité? Le passage à l'acte repose, pour chaque cas, sur de nombreuses raisons qui se mêlent dans des proportions variées, souvent cachées par la défense juridique qui tente de faire croire à un amour passionnel pour obtenir des circonstances atténuantes. Est-il un moment d'égarement, de folie atténuant la notion de responsabilité? Est-il l'aboutissement quasiment prédictible d'un long processus sous-terrain? Les procès ne permettent pas toujours de démêler ces inflexions, d'autant plus que la responsabilité des victimes est souvent, et à juste titre, invoquée. Ce qui n'empêche pas les auteurs de faire preuve d'une véritable sauvagerie ou d'un extrême raffinement lors de l'exécution du crime. Les exemples rapportés par Garnot sont à cet égard édifiants.
Passionnant, je vous dis. Passez en le lisant sur les travers de l'historien établissant des pourcentages à partir de toute petites populations ou divagant un peu dans ses sources historiques.