Les après-midi, ça ne devrait pas exister
de Fabienne Jacob

critiqué par Sahkti, le 30 avril 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Attention fragile !
Petit bijou à manipuler avec précaution, ce recueil de Fabienne Jacob livre ses impressions de vie qu'il convient de déguster à petites doses. Non pas qu'elles soient indigestes, bien au contraire, mais l'excès nuit en tout et il serait dommage d'altérer le goût d'une nouvelle en la remplaçant trop vite par celui d'une autre.
Faits de petits riens, de moments anodins, de soupirs et de murmures, "Les après-midi..." débutent avec la quête insensée de la narratrice qui veut une Poire Williams en plein centre de Forbach. L'objet n'est pas introuvable, il incarne un flot de souvenirs, une part d'enfance pendant laquelle les après-midi semblaient toujours trop longs. On apprend à tuer le temps, à s'inventer des vies parallèles exaltantes, à rêver d'aventure et de grand amour, ça aide à écouler ces longues heures qui n'en finissent pas, notamment quand on est enfant et qu'il faut aller se coucher tôt alors qu'on n'a pas sommeil. Qui n'a pas connu ces soirées de veille pendant lesquelles on tourne et se retourne sous ses draps en espérant ardemment voir les aiguilles tourner à la vitesse grand V...

Fabienne Jacob a dû faire partie de cette catégorie de tueurs de temps, elle en a créé des récits tendres et attachants, l'histoire d'une vieille dame qui brise sa solitude grâce à un coup de fil, d'une amoureuse se rendant à son rendez-vous galant, d'une conversation dont les quelques bribes volées mettent du baume dans votre vie... Situations de la vie de tous les jours, ça sent bon, c'est frais, on sourit puis peu à peu, ces longues heures refont surface, le temps est revenu, la solitude et l'attente également, une certaine pesanteur s'empare du lecteur face à cette atmosphère progressivement devenue oppressante. Le temps est trop long quand on attend, Fabienne Jacob nous le fait merveilleusement sentir.
Une perle de tendresse dans un univers de ... 8 étoiles

"Les après-midi, ça devrait pas exister".. oh que si ! sinon on ne pourrait pas prendre le temps d'ouvrir ce petit recueil de nouvelles, inventées et écrites par Fabienne Jacob. L'auteur nous livre sa première tentative d'écriture et ça marche : Fabienne Jacob écrit très bien. Elle nous emmène dans une farandole de souvenirs et d'instants fugaces, de ces moments parsemés au hasard et qui poussent à l'envie... L'écriture est ronde, enfantine, poétique et goûteuse. Comme souvent l'été semble être un thème récurrent dans "Les après-midi...", la plume de l'auteur ressemble à cette poire juteuse et savoureuse, ou à ce coquelicot semblable à "du papier de soie, (...) une peau de chaton qui vient de naître entre nos mains". Elle écrit comme ça, Fabienne Jacob. Des petites phrases sans grandes pompes, des mots innocents et simples, des consonnances chantantes... bref une joyeuse prose bigarrée. Elle emprunte des chemins et des détours à travers onze nouvelles. D'un point A, elle passe par toutes les voyelles de l'alphabet avant d'atterrir chez Z. Mais le style est concis, le sujet maîtrisé donc on s'y retrouve forcément.
Je souligne également l'élégance des titres de ces onze nouvelles: Traces de sang dans ton lit; Ton nom d'église avec des glaïeuls rouges dedans; Résistance des matériaux; ça dépend des fleurs... Inutile de décrypter un quelconque message codé, contentez vous du plaisir des mots !
Chaudement recommandable, ce recueil de nouvelles impressionne par la pureté et l'innocence de son contenu.

Clarabel - - 48 ans - 4 mai 2004