Le basketball et ses fondamentaux
de William S. Messier

critiqué par Libris québécis, le 29 juin 2017
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Entre la rectitude et la délinquance
Avec sa dernière oeuvre, William S. Messier a voulu partager sa passion pour le basketball. C’est tout un défi, on peut l’imaginer, que de soumettre un sport à l’art romanesque. Ce ne fut pas un prétexte pour écrire une histoire d’amour. L’auteur s’en tient à son sujet tout en démontrant que les règles du jeu reflètent la conduite humaine. Pour atteindre cet objectif, il a emprunté des voies hybrides. Son livre est-il un roman, un essai, un manuel ou un recueil de nouvelles comme l’annonce l’éditeur ? En fait, il a mixé les genres pour concocter un cocktail agréable à boire si l’on n’est pas allergique aux mélanges. Autrement dit, le bouquin de William S. Messier découle d’une recette-maison inclassable. Son projet littéraire tient de la témérité. Et il s’en sauve avec grâce.

Les personnages sont évidemment des mordus de ce sport. Robert Côté, un policier à la retraite, se consacre à l’entraînement des joueurs des Griffons du collège Sacré-Cœur de Granby. Il est appuyé dans son travail par Dave Langevin, un ancien joueur devenu l’agent de pastorale de ce collège, Du temps de sa fréquentation scolaire, il se nourrissait de basket. Il en jouait à l’école et même chez lui où un panier était installé dans le drive way (place pour l’auto). Les deux comparses forment un tandem idéal jusqu’à ce qu’une invasion d’abeilles africanisées envahissent la ville. La population est condamnée au confinement domiciliaire si l’on veut échapper à leurs piqûres mortelles. Ce rebondissement crée un suspense incroyable. Comment Granby combattra-t-il ce fléau ?

Chaque segment narratif est entrecoupé de notions sportives. C’est le guide du bon joueur de basketball. Enfin, l’auteur termine ses nouvelles avec une longue réflexion sur sa vocation d’écrivain qu’il a intitulé La Capitale du bonheur. C’est évidemment Granby, une ville de 60,000 habitants, aussi amusante que les dortoirs que représentent les banlieues. Tous essaient de mener une petite ville tranquille, loin des grands centres mal famés. Il attend son lecteur au détour. Veut-on vraiment vivre selon des règles strictes ? Pour lui, chacun se cherche une voie délinquante qui se situe entre la rectitude et le gangstérisme. Les chanteurs hip-hop illustrent très bien la problématique. Chantent-ils ou récitent-ils des vers ? Ni l’un ni l’autre. Le phénomène se reproduit avec le basketball. Le professionnalisme de ce sport ennuie plutôt les jeunes qui veulent s’y adonner. Ils s’inventent plutôt des règles quand ils jouent dans la rue ou dans les parcs. Même l’écrivain ne devrait pas parcourir les sentiers balisés. Il se doit d’innover au plan structurel et scriptural. Il faut naviguer entre la norme et le langage populaire. Les chaussures de sport sont des sniques pour l’auteur. Les jurons québécois se transforment aussi comme ostique pour hostie. Quel est le juste milieu quand on veut se situer entre l’écrit et l’oral ? Cet entre-deux est déjà en vogue. Les Afro-américains, dont on connaît le rejet social, ont donné le coup d’envol en s’appropriant une culture qu’ils nous renvoient sous un nouveau jour. En fait, comme les abeilles africanisées de Granby, on est en voie de s’africaniser aussi.

William S. Messier tient bien en mains les éléments de son livre. Tout gravite autour d’un sport dont les règles rappellent les nôtres. Et s’il innove, pourrait-on croire, c’est plutôt pour démontrer où l’on en est rendu dans le cheminement des nations. Bref, c’est intéressant en autant que l’on aime le sport et qu’on y voie déjà une représentation de ce que l’on est.