Un silence d'environ une demi-heure
de Boris Schreiber

critiqué par Henri Cachia, le 29 octobre 2017
(LILLE - 62 ans)


La note:  étoiles
Tout simplement passionnant
Boris Schreiber et ses parents :

Ces trois-là sont indissociables les uns des autres.

Cet épais journal romancé nous fait voyager, tant par la géographie depuis la révolution russe à l'occupation allemande en France et un peu partout en Europe, que par l'adolescence mouvementée de Boris, déjà obsédé par son talent d'écrivain, convaincu d'être celui que la Littérature attendait.
Encouragé par Gide, pas seulement intéressé par celui qui écrit mais également par le corps du jeune écrivain en herbe. En effet, Boris est très beau, beaucoup de femmes le confirmeront.

Le trio Schreiber, depuis 1917 n'a connu que des exils. Ballottés d'un endroit à un autre, devant s'adapter à chaque fois, fuir, toujours fuir, parce qu'il faut vous dire qu'ils sont juifs. Comment cacher sa juiverie en pays hostile et en temps de guerre, sera le sujet principal de cet énorme pavé de 1028 pages, couronné quand même par le prix Renaudot en 1996. Après quarante années d'écriture, le voilà enfin reconnu par ses pairs qui n'ont jamais cessé de l'ignorer. Il est vrai que Boris Schreiber peut paraître arrogant et prétentieux, n'hésitant pas à considérer bon nombre d'écrivains de sa génération comme fades et sans intérêt.

Pour Boris, sa mère aura été déterminante, l'encourageant encore et toujours, s'extasiant devant le poème, le conte, ou la pièce de théâtre encore en chantier, de son fils chéri (toujours pas publié). Pas seulement pour l'écriture, mais également dans ses rapports avec le père, parfois tendus mais toujours aimants. Elle sera la médiatrice idéale, et celle par qui le trio triomphera de tous les obstacles surgissant à chaque coin de leur vie, pour le moins et par force aventureuse.

Le père, lui, doit faire face à l'intendance, et chaque fois repartir de zéro, lorsque l'exil s'impose.
C'est encore lui qui subviendra, jusqu'à un âge très avancé, aux besoins de son fils, afin qu'il puisse s'adonner à la passion dévorante, omniprésente, qui occupe le jeune Boris Schreiber : l'Ecriture.

Extraits :

« ...A qui la faute si leurs écrits n'expriment que le jus grisâtre de l'impuissance ? Grâce à quoi on les encense, on les exhibe. Grâce à quoi... Bien fait pour eux... »

« ...Maman et Nadia s'exaltaient sur le thème de ma pièce courte que je n'arrivais pas à terminer, tante Nadia allant jusqu'à dire : « Ce thème a de quoi vous rendre fou ! »... »