Bad Writer
de Jean-Marc Flahaut

critiqué par Débézed, le 23 juin 2017
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Doute poétique
Dans ce petit recueil de poésie narrative, construit de vers très libres, extrêmement concentrés, chaque mot ayant son utilité, sa signification, son poids, sa musique, Jean Marc Flahaut exprime un doute très profond. Il doute de lui et de son art, il doute de la poésie, il doute de la capacité des lecteurs à comprendre la poésie, il doute même d’être capable de faire comprendre au lecteur la nécessité de la poésie, son sens profond, son utilité. Il doute de l’art, de son art, de la capacité des autres à comprendre l’art.

Ce doute le laisse oscillant en une incertitude schizophrénique entre celui qui écrit et celui qui range les papiers, entre le poète et le tâcheron :

« Il y a
deux hommes en moi
l’un écrit
l’autre pas il lit – il classe – il range il trie »

Mais ce doute l’entraîne aussi dans une forme de paranoïa sclérosante, l’empêchant de proposer ces textes par crainte de la cohorte de tous les refus :

« peur du libraire
qui refuse de vendre mes livres
peur de l’éditeur qui refuse de prendre mon manuscrit
peur du lecteur
qui ne lira jamais aucun de mes poèmes
peur… »

Auteur convaincu de son talent, il est aussi persuadé du bienfondé des critiques négatives de ses détracteurs, nourrissant ainsi sa vision schizophrénique de son moi écrivain.
« …
il pense

qu’il est à la fois
le tueur et la cible
l’antidote et le poison
… »

Il reste alors avec ses doutes et ses frustrations, espérant toujours le livre qui changera tout, le regard des autres et l’estime de soi.

« ce livre
que je voudrais écrire
et tous ceux que j’ai écrits
pour m’en approcher »

Mais je suis convaincu que Jean Marc Flahaut est persuadé qu’il a du talent et qu’il affecte de douter de lui et de son art pour faire comprendre qu’on ne le juge pas à l’aune de ses qualités.

« c’est fou
ça n’a l’air de rien
mais ça dit tout »

Le narrateur réalise un véritable exercice d’autodérision instillant un doute sur son art pour, au contraire, démonter qu’il est bourré de talent et que ses textes méritent toute la considération des lecteurs et des éditeurs. Ils sont déjà nombreux à le lire et à l’apprécier à l’aune de son talent réel et je ne suis certainement pas le premier à être convaincu qu’il n’est surtout pas un « Bad Writer » !