Sphinx
de Christine Falkenland

critiqué par Pucksimberg, le 16 juin 2017
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Une correspondance vénéneuse
Ce roman épistolaire est prenant, inquiétant et déroutant. Une quadragénaire, qui ne semble pas avoir oublié son ex-petit copain ne cesse d'écrire à Claire, la nouvelle conjointe. Ce roman est constitué de lettres, mais pourrait être en réalité un monologue car nous n'avons pas les réponses du destinataire. Nous avons uniquement les confidences, les questionnements, les reproches de cette femme blessée et obsédée par la nouvelle famille à laquelle appartient son ex. Le lecteur en vient rapidement à s'interroger sur la visée de cette femme. Qu'attend-elle de cet échange épistolaire ? Pourquoi écrire à Claire alors même que c'est son ex qui devrait être le destinataire de cet échange ? Pourquoi n'a-t-on pas les réponses de Claire ? Ces lettres sont-elles postées ?

Ce roman ne laisse pas le lecteur insensible. L'on se pose de nombreuses questions. Le personnage principal est aussi très énigmatique : elle semble douce et parfois son ton se durcit, certaines phrases ont de l'implicite et rendent cette femme moins lisse. Et puis,tout simplement, la finalité des lettres nous interpelle car nous l'ignorons dans une bonne partie du roman.
Cette situation est embarrassante et délicate. Cette femme s'autorise à parler de moments intimes partagés avec son ex, de leur rencontre, des défauts de Félix que Claire n'a peut-être pas encore découvert. Elle parle de sa fille, mais parle aussi du fils de Claire, ce qui pourrait déranger cette dernière. Le titre lui aussi est énigmatique et renvoie à une créature qui l'est tout autant. Derrière ce qui est dit ou écrit, se cache sans doute l'essentiel qu'il faut deviner.

Certains lecteurs pourraient reprocher le rythme du roman, mais comme il s'agit d'une oeuvre épistolaire il faut garder à l'esprit que la dynamique narrative n'est pas la même. Il y a une dimension psychologique très intéressante. Il est nécessaire de lire quelques lettres pour se faire une opinion sur ce personnage féminin, plus spectateur qu'acteur.

Même s'il n'y a pas des dizaines de péripéties, ce roman est marquant. Je m'en souviendrai longtemps, surtout de ce personnage. L'atmosphère m'a rappelé celle qui règne parfois dans les romans de Pia Petersen que j'aime beaucoup.