Témoins muets
de Éric Gorski

critiqué par Sahkti, le 28 avril 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
L'Histoire en images
Face à ce "Témoins muets", c'est bien volontiers que je le qualifierais de roman graphique. D'autant plus que la collection "Carrément BD" offre, grâce à son grand format carré, la possibilité de jouer avec le graphisme et le texte dans des montages assez originaux. Plusieurs styles sont présents dans cet album: caricature, symbolisme, réalisme... c'est vraiment très beau et ça ajoute une dimension supplémentaire à l'hommage rendu dans cette histoire aux victimes du massacre de Katyn.

Je ne vous résumerai pas la tragédie, tout le monde connaît cet épisode douloureux de l'histoire polonaise qui empoisonne aujourd'hui encore les relations entre ce nouvel état de l'Union européenne et la Russie.
Eric Gorski n'a pas voulu dessiner un album historique, il même fiction et réalité, tout en faisant subtilement allusion aux silences des autorités russes et aux responsabilités respectives que chacun se renvoie. Par exemple, les affiches présentées dans son album sont de vraies-fausses affiches russes, avec des caricatures politiques dessinées dans le même style que celui de l'époque mais relatives à des personnages du récit. Pas de recueil commémoratif ici, mais une évocation, fidèle et respectueuse, des faits.
Pas de sang non plus (merci Mr Gorski!) pour illustrer les exécutions, mais des jeux de couleurs et d'expressions dans les personnages.

La trame du récit tourne autour de deux personnages. Nous sommes en 1998. Wladyslaw réalise un reportage sur le massacre de Katyn. Avant de le monter définitivement, il le montre à Elzbieta, la fille d'un des officiers polonais déportés par les Russes, qui s'évadera et oeuvrera au sein de la résistance polonaise. Wadislaw et Elzbieta sont noyés par un flot d'émotions qu'ils vont devoir gérer, tout en essayant de faire la part des choses et de discerner la vérité au milieu de tous les documents disponibles.

Par moments, Eric Gorski semble essacer ses personnages sur le plan graphiques, les traits deviennent plus fins, presque flous, comme si par ce geste, il voulait symboliser l'oubli et le poids du silence qui ont longtemps pesé sur ce massacre, dont il faudra pourtant un jour reparler sans mensonges.
Dense 4 étoiles

« Au printemps de 1940, c’est la fine fleur de l’intelligentsia polonaise qu’ils ont assassinée, son coeur et sa raison. Les artisans du "miracle de la Vistule" dont ils savaient parfaitement qu’ils ne parviendraient pas à les soviétiser. Combien sommes-nous à cette date, à avoir été broyés par la bienveillance communiste ? »

En 1940, des milliers de polonais ont été assassinés et jetés dans des fosses par les soviétiques. On suit un cinéaste qui à partir de témoignages veut mettre en lumière cette partie de l’Histoire.

Ça m’a pris au moins une vingtaine de pages pour comprendre de quoi on parlait ! C’est dense, difficile d’accès, personnellement je préfère quand ça a plus de clarté. J’ai dû relire à quelques reprises plusieurs passages. Je suis passée à côté des illustrations tellement je tâchais de garder mon attention pour comprendre le texte. C’est compliqué et on dirait que l’auteur en rajoutait (avec les digressions) pour rendre ça encore pire. C’est aussi très surchargé, beaucoup de textes (souvent en petit caractère), j’aurais voulu plus d’espace et qu’on nous laisse le temps d’assimiler.

Le but premier ne semble vraiment pas de nous en apprendre plus sur le massacre de Katyn, en tout cas, si c’était le cas, je peux dire qu’il s’y est mal pris. La bande dessinée aborde le drame d’un angle personnel intéressant, mais c’est tellement chargé que ça dessert l’histoire.

Nance - - - ans - 12 février 2012


un peu confus tout de même... 5 étoiles

Bon. Tout d'abord, une mise au point : je ne suis pas du style à reculer devant la lecture d'une bd à haute densité. C'est donc confiant que j'ai entamé la lecture des "Témoins Muets". En matière de densité, je dois dire que cette bd atteint des sommets et qu'il est bien difficile de suivre le cours de l'histoire tant les digressions ainsi que les noms fusent.
Pourtant, le sujet est extrêmement intéressant : le devenir de la Pologne et de son peuple, coincés entre Hitler et le communisme (voire le stalinisme) russe, les purges, les massacres, les charniers, la quête d'une identité au delà de toutes les horreurs subies. Au fil de l'histoire d'une famille polonaise, c'est bien l'Histoire qu'on apprend à connaître.
J'aurai juste un doute sur la forme qu'il fallait donner à l'essai pour tenter d'évoquer la noirceur de l'Histoire. Les textes sont trop éclatés à mon goût pour qu'on puisse suivre, et les dessins sont, je trouve, trop esthétiques (tendance art nouveau morbide ?) et trop statiques pour émouvoir comme il le faudrait.

B1p - - 50 ans - 28 avril 2004