De l'autre côté du monde
de Bishop Stephanie

critiqué par TRIEB, le 29 mai 2017
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 72 ans)


La note:  étoiles
L'APPARTENANCE PROBLEMATIQUE
Dans l’Angleterre du début des années soixante, Charlotte et Henry Blackwood mènent une existence rangée. Lui est Professeur de lettres à l’Université de Cambridge, elle rêve pour sa part de se consacrer davantage à la peinture, art qu’elle chérit par-dessus tout. Henry a passé sa prime enfance en Inde, et en garde une nostalgie du climat, des odeurs de son pays d’origine. Il se considère comme un Britannique à part entière et ne supporte plus guère le climat du pays, trop pluvieux, trop brumeux et rêve de soleil, de grands espaces, d’un nouvel avenir. Non sans mal, il parvient à persuader son épouse et ses filles, Lucie et May d'émigrer en Australie, à Perth, une ville accablée par la chaleur. Le thème de ce roman, croit-on, va s’articuler autour de l’émigration, du départ, douloureux et déchirant. C’est un peu le cas lorsque Charlotte fait un constat terrible : « Elle sait désormais que le pire n’est pas le fait de quitter un endroit ; c’est, une fois arrivée à destination, de devoir vivre comme si son pays d’origine avait disparu. » Henry, lui aussi, est en proie durant le récit à de lancinantes interrogations : est-il Indien ? Anglais ? Où se sent-il « chez lui, d’ici » ? Henry perçoit peu à peu les vraies causes de son départ de l’Angleterre : une reconfiguration du sentiment d'appartenance, une reformulation de ce qu’on nommerait en termes plus actuels son identité : « Elle songe à la tension grandissante entre Henry et elle, ni l’un ni l’autre ne croyant à l’histoire de l’autre, à sa version de la vérité historique, la raison qui les poussés à migrer, pourquoi ils doivent ou ne doivent pas rester; pour qui ils ont migré(…) Pourtant, ils ont tous les deux la nostalgie de la même chose: une belle vie, ou du moins un fantasme de belle vie. » On ne dévoilera pas le dénouement de ce bon roman, qui n’est pas édifiant, ni surprenant. On en retiendra avant tout une pertinente observation sur la maternité, le mariage, et une véritable radiographie du sentiment d’appartenance à une nation, une culture, un pays, des us et coutumes. Ce n’est pas le moindre mérite de Stephanie Bishop de nous faire découvrir la complexité des sources de l'identité, et surtout de mettre en évidence que le « chez-soi » et c’est le cas des personnages de ce roman, peut participer de la culture de plusieurs pays et de plusieurs continents.