Jeannot, mémoires d'un enfant
de Jean Dutourd

critiqué par CCRIDER, le 26 avril 2004
(OTHIS - 76 ans)


La note:  étoiles
L'enfance , ce territoire enchanté
Le grand académicien nous entraine dans le monde enchanté et disparu à jamais de sa propre enfance dans les années trente . C'est un voyage merveilleux qu'il nous propose . Il entre à l'école " le cours Maintenon pour jeunes filles" à 5 ans , au moment de l'arrivée d'Hitler au pouvoir et nous abandonne l'année de ses 13 ans , l'âge où , selon lui , finit l'enfance , " où l'on perd toute l'intelligence" . Je dirai plutôt toute cette sensibilité particulière , cette formidable capacité d'émerveillement .
Le lecteur est étonné , bluffé même . Dutourd doit avoir une mémoire d'éléphant ou d'ordinateur car il n'a rien oublié de cette époque si différente de la nôtre . Il se souvient de tous les plus infimes détails : " le franc-tireur des Ternes" , le " ballon de Gambetta" , la de Dion Bouton de son père et j'en passe . Plus fort encore , il arrive à nous faire vivre de l'intérieur tous les sentiments , les idées , les passions qui l'agitaient alors . Sa mère souffrait de la tuberculose . En raison d'une cure dans le Midi de la France , à Vence , il est est séparé très jeune . Elle meurt quand il n'a que 7 ans . Une véritable tragédie pour Jeannot qui l'adorait au point d'être véritablement fusionnel avec elle . Mais le rire ou le sourire n'est jamais loin avec la période militaire de son père ou la description de ses relations avec le roi de Roumanie en exil à Paris .
Dutourd nous raconte également l'exposition coloniale , grand évènement de cette époque ainsi que son renvoi du cours de catéchisme , grand évènement de sa jeune vie .
Nous découvrons son intérêt pour les Arts Plastiques , il se dit "perverti par Boticcelli" ( quelle jolie époque !) et la littérature , nous permettant ainsi de mieux comprendre la génèse d'un grand écrivain .
Lire ce livre c'est revisiter le territoire enchanté de l'enfance . " On tient pour acquis que l'enfant n'est que l'esquisse de l'homme . Or ce n'est pas vrai : l'enfant est un être complet en soi , et très différent de l'adulte ."
"J'ai tâché , dit Dutourd , de peindre un enfant totalement enfantin , à la manière dont Jack London peignait les chiens de traineaux , en se mettant dans sa peau , qui n'est pas la mienne ." Et c'est parfaitement réussi .