Celui qui est digne d'être aimé
de Abdellah Taïa

critiqué par Pucksimberg, le 14 mai 2017
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un roman épistolaire qui donne un bon coup de pied dans la fourmilière
Ce roman épistolaire est composé de quatre lettres qui manient les mêmes thèmes : la séparation, l'amour, l'identité et l'homosexualité. Elles sont publiées à rebours. La première est celle qu'Ahmed adresse à sa mère décédée, une femme de poigne, dure, qui savait mener son époux à la baguette. Ce fils qui n'était pas proche de sa mère établit des liens entre le comportement de celle-ci et ce qu'il est devenu. La dernière lettre de ce roman nous plonge dans l'adolescence d'Ahmed, lorsqu'un de ses amis homosexuels a entretenu une relation avec un français plus âgé que lui, une histoire d'amour sans avenir. Au milieu du roman, les deux autres lettres concernent les amours d'Ahmed dont on parviendra à comprendre l'attitude grâce aux lettres limitrophes.
Derrière ces lettres centrées sur le monde affectif d'Ahmed se cache le colonialisme français. Son histoire d'amour la plus longue est celle avec Emmanuel, qui a fait venir le jeune marocain en France afin de l'éduquer, de l'instruire, de lui apprendre un parfait français, de lui faire découvrir nos grands auteurs et par là même oublier ses origines, renier sa langue et devenir un parfait petit français.

"Infidèles" m'avait peu emballé, "Celui qui est digne d'être aimé" est fort et réussi. La langue d'Abdellah Taïa a gagné en maturité. Le regard qu'il porte sur le monde a évolué aussi. Cette oeuvre est plus sombre, la séparation et la mort planent sur ce roman et aucune issue positive ne semble envisageable. De plus, l'écriture insuffle une grande force à ce récit dont on a du mal à se détacher. Il y a ce ton légèrement accusateur qui sa fait sentir à l'encontre du Français qui semble exercer un certain pouvoir sur le Maroc alors même qu'il ne vit plus dans le pays. Les âmes et les corps semblent colonisés. Cette prise de position est courageuse et tout à fait audible, même si elle pourra agacer certains. Le ton est grave et le discours sincère. Les personnages semblent des figures tragiques, peu maîtres de leurs faits et gestes puisque le comportement des parents, de la mère ici en l’occurrence, et le poids de l'histoire ( colonisation ) ont des conséquences sur les individus.

Abdellah Taïa a réussi un très bon roman qui saura trouver son lectorat et ses détracteurs.
4 lettres d'amour 7 étoiles

"Celui qui est digne d'être aimé " d'Abdellah Taïa (144p)
Ed. Cadre Rouge (Seuil).

Bonjour les fous de lectures...
Voici un roman qui est constitué de 4 chapitres sous forme de 4 lettres.
La première lettre est écrite par Ahmed et est destinée à sa mère défunte.
Il y règle ses compte vis-à-vis de cette mère dominatrice.
La seconde lettre est une lettre d'un amant éphémère d'Ahmed.
La troisième est une lettre d'Ahmed destinée à son amant de longue date, celui qui l'a modelé et en a fait un " bon petit parisien"
La dernière lettre n'est pas manuscrite, c'est une lettre imaginaire du meilleur ami d'Ahmed.
Récit en grande partie autobiographique.
Il retranscrit les difficultés des relations amoureuses, filiales ou autres.
L'écriture est sèche, directe. On croise la violence, la haine et le désespoir.
On n'a pas de temps à perdre pour découvrir ces 4 confidences basées sur la recherche d'un amour impossible .
L'auteur écrit vite et veut que la lecture se fasse à cette cadence .
Pari réussi .
Beaucoup aimé

Faby de Caparica - - 62 ans - 27 août 2019