La fête des fols
de Camille Colmin-Stimbre

critiqué par Débézed, le 10 mai 2017
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
L'amour courtois et son envers
Au tournant des XIV° et XV° siècles, en plein cœur de la Guerre de Cent Ans, entre Maine, Anjou et Vendée, une jeune viking emportée par un nobliau local cherchant à venger des pauvres hères cruellement massacrés par la bande à laquelle elle appartenait, essaie de s’intégrer à la culture française pour devenir une parfaite châtelaine, une bonne épouse, une bonne mère, une chrétienne suffisamment acceptable pour les autorités religieuses particulièrement intransigeantes sur ce sujet.

Swanhilda, fille d’un chef viking venu rançonner et étriper les pauvres gens habitant sur les berges de la Loire a été élevée comme un garçon, dans la tradition de son île voisine des côtes norvégiennes. Elle ne connaît que les lois de la nature, la liberté des mœurs et la force qu’on impose aux autres. C’est une fille libre soumise à aucune religion si ce n’est à celle des ancêtres et des dieux qui donnent la victoire au combat. Sa troupe a été surprise, les guerriers ont été cruellement martyrisés et exterminés, elle, elle a été conduite dans un couvent pour devenir l’épouse de Geoffrey de Laval (Geoffrey du palindrome) qui est tombé follement amoureux de cette belle nordique.

Sur fond de querelles entre factions agissant pour le compte des Capétiens, des Plantagenets, des Bourguignons ou encore des Armagnacs, Camille Colmin-Stimbre échafaude un roman médiéval qui n’a pas grand-chose à voir avec les romans de chevalerie que nous avons déjà pu lire. Dans son texte la violence a force de loi mais ne elle ne sert pas qu’à ça, elle peut aussi devenir divertissement ou même spectacle, la cruauté et le cynisme sont choses courantes, la paillardise et les gauloiseries les plus rudes font partie intégrales des mœurs quotidiennes. Ils sont bien loin l’amour courtois et les chansons des troubadours, l’église, d’après l’auteur, a perverti les populations depuis des lustres déjà et déversé le vice et la violence partout dans le pays.

Camille Colmin-Stimbre n’aime pas les religions, particulièrement la religion catholique, il bouffe du curé à longueur de pages, les accusant des paillardises les plus orgiaques, des violences les plus cruelles, de tueries massives, de tortures, de viols, de spoliation, d’accaparation et de toutes les perversions possibles. Il reproche aux religieux d’avoir castré les hommes comme les femmes, de les avoir privés du plaisir de la chair, de les avoir condamnés à vivre sous l’emprise de la terreur et de la peur de connaître une vie de souffrance et de douleur dans l’au-delà. Il accuse l’église d’avoir engendré une société de pleutres, de pervers, de fourbes et de félons capables des pires atrocités. Il lui reproche vertement d’avoir remplacé le plaisir et l’amour par la guerre et la violence. « Le spectacle des jeux de l’amour et du sexe serait, en général, plutôt réjouissant, celui de la guerre et de la violence religieuse absolument effrayant. Lequel des deux nous est le plus souvent offert ? »

Dans le beau pays de France, contrairement aux froides contrées nordiques, la religion a ainsi condamné le plaisir et le sexe et prôné la violence et la guerre et pourtant la belle Swanhilda semble bien être le personnage le plus sain, le plus équilibré et le plus exemplaire de ce roman. Et cette situation n’est pas près de s’inverser, les stigmates de l’enseignement religieux sont trop profondément incrustés dans les corps et les cœurs pour que les esprits libres obtiennent grâce auprès des sicaires de l’église. « La haine du catholique par les esprits libres n’était pas près de disparaître ! »

Juste une histoire pour raconter la face cachée de notre Histoire médiévale. Juste une histoire pour bien montrer que les tares actuelles de notre société enfoncent leurs racines bien profondément dans la nuit de l’Histoire.
La fête des fols 9 étoiles

Un livre puissant et jouissif , aux attraits variés. Le cadre historique séduira les amoureux du Moyen Age finissant; face à ses violences - guerres, raids Vikings, tortures de L'Inquisition -, s'exprime fortement le scepticisme d'un philosophe dont la pensée, libre mais prudemment secrète, émane probablement de l'auteur lui-même. L'érotisme, très présent, a trois visages au moins: Si les débauches paillardes de la fête des fols sont d'une truculence rabelaisienne, le Marquis de Sade n'aurait pas désavoué les sévices infligés à leurs victimes par les violeurs Vikings.; mais l'érotisme le plus émouvant naît de la fusion totale, charnelle et sentimentale, entre l'héroïne et son ravisseur. Des scènes marquantes , des personnages fortement typés et finement dessinés -on imagine tout à fait Swanhilda en super-héroïne de cinéma- sont servis par une langue efficace, vigoureuse et précise.

Phillef - - 70 ans - 19 mai 2017


la langue 9 étoiles

On peut souscrire en grande partie à la première critique faite sur ce livre.
On peut ajouter un mot sur la grande qualité littéraire de ce roman. Une écriture charnue, riche, parfois balancée comme une poésie lyrique, parfois rabelaisienne. Une plume rare qui captive le lecteur.
On peut aussi saluer la courage de l'auteur qui faisant fit des poncifs des ''obligations pseudo morales '' des genres, nous offre des pages curieuses sur la vie de l'époque, des pages aussi de pure poésie mélangées à d'autres d'un érotisme brûlant, d'autres encore d'une grande violence, la violence inhérente à ce temps de guerre de 100 ans, tout ce qui est dans la nature humaine.
On attend avec impatience un second tome annoncé d'une trilogie '' La jeunesse est un pays chaud''.

Dago - - 81 ans - 14 mai 2017