La vie à deux de Dorothy Parker

La vie à deux de Dorothy Parker
(Here We Are)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Folfaerie, le 22 avril 2004 (Inscrite le 4 novembre 2002, 55 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 552ème position).
Visites : 5 277  (depuis Novembre 2007)

les délices de la vie de couple

On a dit de Dorothy Parker qu'elle était le plus beau joyau du Roundtable de l'hôtel ALgonquin, ce cercle d'écrivains des Années Folles où elle côtoyait James Thurber (excellent, que je recommande), George Kaufman... Plus tard, elle se lia d'amitié avec Fitzgerald, dont elle partageait la vision désenchantée de leur génération (mais ses nouvelles sont bien plus caustiques et acerbes que celles de Fitzgerald) et Hemingway.

Et à lire ce formidable recueil de nouvelles, il est évident qu'elle possédait une opinion très arrêtée sur ses contemporains, une vision très noire des rapports humains qu'elle tempérait par une ironie très fine et un humour caustique.

Son style éblouissant, et son sens de l'observation lui ont fait gagner ses lettres de noblesse, notamment avec cette "Vie à deux" où malgré cette peinture de la vie de couple l'amour est presque totalement absent. La rancoeur, l'ennui, la solitude, les désillusions en revanche sont le lot de ces femmes et de ces hommes, coincés dans leur vies monotones et étriquées. Les femmes noient leurs chagrins et leurs désillusions dans l'alcool, sont le plus souvent sottes et bornées, les hommes sont veules, égoïstes et lâches. Et avouons-le, l'époque à laquelle se passent ces histoires est sans importance, ces personnages, nous les connaissons. Il y a un peu de nous, ce sont nos voisins, nos amis, c'est notre société actuelle car enfin, l'humanité change si peu...

Parmi mes préférées : "Quel dommage !" où un couple modèle que l'ennui tue à petit feu finit par se séparer, "la grande blonde" qui raconte la déchéance d'une femme, personnage pathétique dont la fin n'est pas sans évoquer la propre fin de l'auteur, "M Durant", le portrait du salopard qui sommeille sous le vernis des bonnes manières, la plus pathétique certainement, avec "La jument" qui évoque la solitude dans ce qu'elle a plus terrifiant, "Arrangement en noir et blanc", oppose une assemblée de beaux esprits blancs venus saluer un pianiste virtuose noir, dégoulinants d'hypocrisie, où le racisme suinte à chaque pore de leur peau, et enfin, la plus poignante, "Vêtir ceux qui sont nus" où aucun gramme d'humour ne vient relever ce chef-d'oeuvre de cruauté et dont je vous livre un petit passage :

(Big Lannie est une grosse femme noire, débordant d'amour et de générosité, qui est employée de maison, notamment chez Mme Ewing, et fait ce qu'elle peut pour s'occuper de son petit-fils Raymond, qui est à sa charge) :

" Big Lannie fit alors une chose qu'elle n'avait encore jamais faite : elle mendia. Elle demanda à Madame Ewing de lui donner un des vieux costumes de M. Ewing pour Raymond. Elle le fit avec les yeux baissés et une voix si confuse que Mme Ewing dut lui enjoindre de parler plus fort et de s'expliquer clairement. Quand Mme Ewing eût compris, elle manifesta la plus vive surprise. Comment ? Big Lannie aurait dû être la première à savoir que Mme Ewing était sollicitée par un très, très grand nombre d'oeuvres et qu'elle faisait tout ce qu'il était possible de faire pour aider les pauvres - et même davantage. Elle parla de l'ingratitude humaine et du devoir et elle conclut en disant que si jamais elle trouvait encore dans les vieilles affaires de M. Ewing un costume à donner à Raymond il faudrait que Big Lannie se mette bien dans la tête qu'elle faisait une exception en sa faveur et que cela ne pourrait en aucun cas devenir une habitude."

Passer à côté de Dorothy Parker serait presque un crime, d'autant plus impardonnable que son oeuvre, en tout cas traduite en français, tient en 4 ou 5 livres, notamment des recueils de nouvelles. J'ai eu un véritable coup de foudre pour cet écrivain que je ne pouvais pas laisser dans l'ombre, puisqu'elle était, jusqu'à ce jour, absente du site. J'espère que vous serez nombreux à vouloir "goûter" à ces nouvelles.

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Saynètes de malentendus

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 3 novembre 2012

Ce recueil de nouvelles met en scène, de manière enjouée, drôle et féroce, les malentendus, les quiproquos cocasses, les mauvais travers et caprices de la vie de tous les jours. Apparemment anodins, ils en disent long sur une époque, un état d'esprit, une personnalité, des us et coutumes.
Chacun de ces textes est comme un bonbon acidulé ou un dessin de caricature à l'humour aussi vache que sensible.

Des nouvelles caustiques

10 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans) - 5 mai 2012

Dorothy Parker, c'est un coup de foudre pour moi, tout comme Folfaierie. Je n'avais lu, avant celui-ci, qu'un recueil de nouvelles, "Sale journée demain", il y a bien longtemps. Chose étrange, il était épuisé depuis longtemps, ainsi que celui-ci, mais voila qu'ils sont à nouveau tout les deux ré-édités. L'attente en valait la peine, car chacune des nouvelles de ce livre est un petit bijou.

La vie à deux rassemble des nouvelles qui ont en commun une vision très sombre du couple. Ces nouvelles ont pour cadre le New-York du début du XXème et mettent en scène des américains moyens ou plutôt aisés, des jeunes couples flamboyant qui passent beaucoup de temps dans les bar et boivent sec, ou des bourgeoises racistes et égoïstes. L'auteur décrit l'incommunicabilité dans le couple, le fait d'être encore plus solitaire en couple que seul, l'amour non partagé, la dépendance. Les hommes sont souvent veules et mesquins, les femmes bornées, en fait on ne peut pas dire que la tendresse pour ses personnages perce sous la plume de Dorothy Parker. Mais c'est écrit avec beaucoup d'humour, un ton décalé, et j'ai été entièrement conquis par son style.

de l'air

9 étoiles

Critique de Trefoil (Mons, Inscrite le 12 février 2004, 55 ans) - 12 septembre 2004

j'ai pris ce livre comme on en prend un autre : on le commence par le début et on le range dans la bibliothèque quand on l'a fini mais je n'ai pas pu.
J'étais en incapacité de lecture.
J'ai dû intercaler ma lecture avec un autre pour me laisser respirer.
Car il vraiment question de lecture à couper le souffle.
On vit l'angoisse de ces silences, de ces malentendus, de ces sous-entendus et j'en passe... c'est horrible pour qui est sensible.
Ce livre est un traité sur la non communication et ses conséquences mais il n'a rien d'ennuyeux, c'est succulent et tellement bien relaté.
C'est du grand art.

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