Quarante jours
de Emmanuel Ranson

critiqué par Mimi62, le 25 avril 2017
(Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans)


La note:  étoiles
Surprenant, dérangeant, étonnant, agaçant, captivant accroché au réel
Surprenant, dérangeant, étonnant, captivant. Un ouvrage qui ne peut laisser indifférent.

La trame
Marc est un homme de notre époque absorbé, dévoré par son travail, soucieux de performance avant d'humanité. Homme moderne, il sacrifie sa carrière au profit de celle de son épouse, notamment en s'occupant de leur enfant. N'étant plus assez performant, il est jeté après un usage comme un mouchoir en papier usagé. Il revient auprès de ses parents dans un milieu agricole dont il ne connaît absolument rien. Il découvre alors comment, de par son métier, il a participé à l'exploitation voire la spoliation des personnes de ce monde, dont donc ses parents.
Marc découvre que ce lien familial constitue une obstruction à son obtention d'un emploi dans cette région. Cette situation ajoutée à la découverte des conditions de l'expropriation d'une partie de la propriété de ses parents l'entraînent à retrouver les responsables de cette situation.
Parallèlement à cela il se rend compte que se femme se détache de lui et veut emmener leur fils. La rencontre de Marc avec une ancienne amie de lycée va ajouter d'autres interrogations.
Par amour, Marc aura alors un geste inattendu.
Le plus exigeant des lecteurs ne saura rester indifférent à au moins l'un des personnages ni ne pas être interpellé pas au moins l'une des situations évoquées. L'intérêt n'étant pas de retrouver des sensibilités ou des événements connus mais bien de les aborder avec un autre regard.

Le style
Rigoureusement moderne, il prend le parti de déstructurer la syntaxe. Pronoms relatifs placés en tête de phrase et ne reliant donc rien, points placés dans des énumérations créant des expressions nominales, sans oublier nombre de phrases verbales évoquant davantage la prise de notes que le récit. Ce style n'est cependant pas une constante car l'on trouve des passages beaucoup plus classiques.
Paradoxalement, alors que je suis assez réticent au style évoqué en premier, j'ai trouvé que dans cet ouvrage il sert le récit, lui donnant une certaine dynamique et reflétant le tourbillon dans lequel évolue le personnage principal.

Quelques exemples pour illustrer ce propos :
".... découvrir Abbeville. Rouge comme ses façades de briques.Pieuse comme la croix que ses artères dessinent dans le coeur historique."
"Une ampoule au-dessus de la marquise vacillait au vent. L'heure de la marée. a lumière transformait en or les flaques d'eau."
"Béton et bitume rongeaient les terres (...) frôlaient (...) les peupliers coupe-vent. Comme une marée qui n'en finissait pas de monter."
"Grand-mère sortait un torchon propre de son placard. Quand tout va mal, se raccrocher aux petits bonheurs
"On passe sa vie à serrer des mains connues et le jour où tout va mal on la confie à des inconnus."

En conclusion, un livre qui m'a surpris, parfois agacé mais au final séduit et je n'ai pas eu à me contraindre à le lire jusqu'à son terme, d'autant plus que l'issue le mérite. Une fois la quatrième de couverture tournée, on reste avec ce livre et l'on ne peut s'empêcher de garder en tête quelques pistes de réflexion.