La Guerre de Trente Ans
de Georges Pagès

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 7 avril 2017
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Pourquoi donc la Guerre de Trente Ans !
Qu’est-ce qui m’a pris de me lancer dans cette Guerre de Trente Ans ? Je me le demande encore. Ça m’a rappelé mon cours d’Histoire en quatrième année ; le prof arpentait l’estrade en lisant dans son bouquin et de temps en temps il s’arrêtait pour dire : Untel continuez ! Et si Untel ne savait pas, c’était : vous me ferez cent lignes ! Et on priait tous les saints du paradis pour qu’il fasse un pas de trop et se casse la figure en dégringolant de son estrade…
La seule chose dont je me souvenais c’est « la Défenestration de Prague ». On s’imaginait qu’on allait défenestrer notre prof ; c’était un Père abbé, notre classe était au troisième étage et on le voyait déjà atterrir dans la cour de récréation avec sa soutane qui aurait fait parachute, et porté par son bon ange comme les trois défenestrés de Prague avaient été portés par la sainte Vierge parce qu’ils étaient de bons chrétiens.

Au fond, je me suis lancé dans cette histoire parce que le livre est beau. Il fait partie de la magnifique collection : la Bibliothèque Historique des éditions Payot-Paris. Je l’ai trouvé pour presque rien dans une brocante. Il date de 1939 et il n’était même pas coupé.

L’auteur, George Pagès, est membre de l’Institut, ce qui en impose. Il reconnaît que cette guerre est très compliquée et il promet de nous l’expliquer pour qu’on la comprenne. Et il y arrive. Ah ! si nous l’avions eu comme prof en quatrième… ! Il commence par expliquer la situation du Saint Empire Romain Germanique au début du XVIIème siècle. Il nous dit qu’au départ, c’était une guerre de religion. C’était la remise en cause de la Paix d’Augsbourg, signée un demi siècle plus tôt, et qui avait favorisé les protestants. A peu près la moitié des États de l’Empire étaient protestants et l’Empereur, Ferdinand, soutenu par la branche espagnole de sa famille, voulait que son Empire soit entièrement chrétien de la bonne orthodoxie.

Mais bien vite on a réalisé que le véritable enjeu était des conquêtes de territoires et c’est pour ça que les Danois, les Suédois et les Français s’en sont mêlés. C’est la partie la plus intéressante de cette guerre. On y fait la connaissance du Roi de Suède, le très belliqueux Gustave-Adolphe, grand héros de la Suède. On retrouve aussi ce cher Richelieu qui, au service de son roi le très catholique Louis XIII, s’allie sans état d’âme aux princes protestants quand la raison d’État l’impose – attitude qualifiée de haute diplomatie et qui sera suivie, avec plus de succès encore, par Mazarin. On se rend compte qu’une diplomatie est efficace dans la mesure où elle est soutenue par une puissante armée et c’est très intéressant de le constater une fois de plus.

L’auteur raconte que cette Guerre de Trente Ans a été meurtrière et désastreuse pour les États allemands ; elle a entraîné des épidémies et des famines effroyables parmi les populations. La plupart du temps les armées n’étaient pas payées et vivaient sur l’habitant. On manque de statistiques, évidemment, mais on estime que la moitié des populations de l’Empire a péri dans cette guerre interminable.
Et finalement, elle n’a pas changé grand-chose, du moins au point de vue religieux. La Paix de Westphalie, qui conclut la Guerre de Trente Ans, sonna la fin du grand rêve moyenâgeux d’une « République chrétienne » gouvernée en commun par l’Empereur et le Pape. Les protestants gardaient leurs positions. Mais au moins, nous dit l’auteur, après la guerre, les tensions religieuses s’étaient fortement apaisées.

L’auteur nous montre encore que cette Guerre de Cent Ans a été un tournant capital dans l’Histoire de l’Europe. En imposant un nouveau droit laïc aux principautés allemandes, la Paix de Westphalie fit sortir du Moyen-Âge le vaste empire des Habsbourg pour le faire entrer dans une ère nouvelle. Elle délivra la France de la menace de reconstitution d’un Empire allemand réuni à l’Espagne, comme au temps de Charles-Quint mais ruina ses prétentions sur l’Italie. Elle redéfinit les frontières de l’Europe centrale et rétablit le Portugal. Elle laissa la domination de la mer Baltique aux Suédois et de la mer du Nord aux Pays-Bas, ce qui fit leur prospérité. Mais, hélas ! elle posa aussi les jalons des futurs nationalismes européens.

En conclusion, ce livre qui se lit comme un roman d’action à personnages multiples, a le mérite d’être extrêmement clair. Il raconte une page d’Histoire trop souvent bâclée par les historiens et mal expliquée dans les écoles. Elle est expliquée ici, magistralement, par l’excellent historien français Georges Pagès.
Au terme de cette agréable lecture, le lecteur respire enfin, il a compris la Guerre de Trente Ans.