A l'ombre du Baron
de Marie-France de Paloméra, Fabienne Josaphat

critiqué par Alapage, le 7 avril 2017
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Un livre coup de poing!
Ce livre m'a littéralement bouleversée, choquée et surtout attristée. Les mots me manquent pour décrire la gamme d'émotions que j'ai ressentie lors de la lecture de ce roman.

Les années où Duvalier, surnommé Papa Doc, était au pouvoir, il a su créer un climat de terreur pour le peuple haïtien, et ce, avec l'aide de ses tontons macoutes. Malgré que le récit des frères L'Éveillé soit une œuvre de fiction, il n'en reste pas moins que les faits énoncés par l'auteure sont bien réels. La prison de Fort Dimanche et les conditions de vie au sein de celle-ci ont bien existé. Les exécutions aussi!

Dans ce court roman, nous retrouvons deux frères : Raymond qui conduit son taxi dans les rues de Port-au-Prince et Nicolas qui enseigne le droit.

Raymond a de la difficulté à vivre de son travail depuis que Duvalier a établi le couvre-feu. Un jour, il porte secours à un homme accompagné de sa femme et de son bébé. Cet homme est poursuivi par les tontons macoutes. Raymond réussira à fuir et sauvera cette jeune famille sans savoir que plus tard, ce seront eux qui viendront à son secours. Toujours est-il que la femme de Raymond vit dans la terreur depuis ce jour et n'en pouvant tout simplement plus de leurs conditions de vie, elle décide de partir clandestinement en bateau pour rejoindre les États-Unis où vit son oncle.

De son côté, Nicolas a une belle vie. Il a toujours eu une attitude condescendante avec son frère, se croyant supérieur car il avait des études et de l'argent. Malheureusement, il met sa famille en danger en parlant haut et fort des droits de l'homme lors de ses enseignements mais également en écrivant un livre sur les disparitions de certains hommes dont celle de Jacques Stephen Alexis, écrivain. Finalement, il sera dénoncé par un de ses étudiants et se retrouvera emprisonné à Fort Dimanche. Sa date d'exécution est déjà établie... le tout sans procès! Quelle horreur pour un homme qui enseigne le droit.

Extrait : Les yeux dans le vide, il entendit les gardes transporter le corps dans le couloir. Puis il enfouit sa tête dans ses genoux. Y trouva l'obscurité, la sécurité, un refuge où se prendre les cheveux à deux mains et les arracher d'un crâne dans lequel la démence s’insinuait déjà. Il cessa de lutter et s'effondra, écoutant le ricanement moqueur qui caquetait sous les prières, le rire d'un Dieu farceur tapi dans les recoins de Fort Dimanche : la Mort, ajustant son chapeau claque, exhalant la fumée de son cigare, ondulant des hanches, dansant autour de leur cellules, bras grands ouverts dans un geste d'accueil. La Mort se payait sa tête.

Envers et contre tout, Raymond aidera la femme de son frère ainsi que leur fille afin qu'elles puissent quitter le pays. Il fera également tout en son pouvoir pour aller sauver Nicolas avant son exécution quitte à mettre sa propre vie en péril.

Les scènes d'horreur décrites par l'auteure nous font voir Haïti tel qu'il était à cette époque. Il est impossible de rester insensible sachant que plus de 60 000 personnes ont perdu la vie à Fort Dimanche. Je comprends beaucoup mieux aujourd'hui pourquoi les haïtiens appellent Haïti : le pays maudit (Ayiti, peyi madichon)!