La discothèque de Joy Sorman, Christophe Blain (Dessin)

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Numanuma, le 4 avril 2017 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 50 ans)
La note : 3 étoiles
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Club 1941

Parfois, on referme un livre et l’on sait, on sent confusément, non pas que l’on a manqué quelque chose, mais que ce quelque chose mystérieux et insaisissable est là, devant nos yeux et pourtant invisible. Parfois, il faut des jours pour l’appréhender. Parfois, on tourne en rond sans jamais trouver. Parfois, quelques instants suffisent. C’est pratique l’instant, on y met la durée que l’on veut.
En fermant ce roman, La discothèque, un truc me turlupinait (non, ce n’est pas une allusion sexuelle !). Un truc évident, gros comme un camion garé en double file dans une impasse. Mais en hologramme. Un truc planté devant moi, s’agitant en tous sens vers lequel j’avance sans le voir. Et d’un seul coup, tel Paul Claudel lors de la messe de minuit, l’Illumination. Modeste lampe de chevet allumée en fait : il n’y a pas de dialogue dans ce bouquin… Je suppose que j’ai déjà dû rencontrer d’autres romans possédant la même particularité mais impossible de m’en souvenir. Je vais donc considérer ce livre dans son unicité et sa singularité : le seul roman sans une ligne de dialogue que je suis sûr d’avoir lu. C’est déjà pas mal.
La Discothèque est paru tout récemment dans la collection Incipit, Éditions Prisma et Steinkis Groupe, dont le principe est de raconter une première fois. La collection compte une dizaine de titres à ce jour.
Joy Sorman, l’auteur, inconnue de votre serviteur, y raconte la découverte du jazz par son héroïne, Justine Tendron (ce nom…) dans le Paris occupé. Rappelons que, selon le Larousse, le tendron désigne « un morceau du bœuf et du veau découpé dans la cage thoracique, au niveau des côtes flottantes ». Très sympa. Mais aussi, dans un niveau de langue familier, « une très jeune fille ». Vu que la première phrase indique que Justine a 19 ans en 1940, on se demande s’il était bien nécessaire de nous indiquer implicitement qu’il s’agit d’une jeune femme.
Selon le directeur de collection, leurs ouvrages ont vocation à « aspirer le lecteur d’un bout à l’autre ». Mouais… « on les lit d’une traite, puis on les relit avec gourmandise ». J’espère que les autres bouquins seront d’un autre niveau parce que là, franchement, ça sent le foutage de gueule ! Je n’ai jamais lu un livre aussi naïf dans sa rédaction.
Justine, 19 ans, lâche ses études d’infirmière alors que les bottes allemandes résonnent sur les pavés de la capitale. La guerre a détruit en elle toute ambition. Au revoir les cours de biologie, bonjour le marché noir et les tickets de rationnement, la débrouille et l’oisiveté. La nuit venue, Paris s’encanaille. Les Allemands écument les maisons closes et les dancings mais c’est dans les caves que cela se passe. C’est dans les caves que la résistance prend des airs de big band, a les traits de jeunes gens finement vêtus, pied de nez aux restrictions et à la bienséance. Y’a des zazous dans le quartier !
L’idée de départ est sympathique, j’approuve en rythme, ça swingue. Mais… Le texte n’est pas à la hauteur. Je ne sais pas s’il s’agit d’une œuvre de jeunesse retrouvée au fond du tiroir et dépoussiérée ou si le texte a été rédigé spécialement pour la collection mais, dans tous les cas, rien ne donne envie d’y revenir avec gourmandise. Avec curiosité, peut-être.
Bien que court, 66 pages, le texte aurait gagné en puissance à être débarrassé de toutes les interventions maladroites du narrateur omniscient. Exemple page 10 : après quelques lignes plutôt bien tournées sur la présence des nazis, une phrase : « Dans quelques jours, Justine Tendron commencera à désobéir ». Hormis sa banalité, c’est son inutilité qui choque. Sa maladresse. Tout le roman est parcouru ce genre de phrase explicatives inutiles. Un peu comme la musique qui change subitement pour indiquer au spectateur, peut-être trop occupé à boulotter du pop-corn, qu’il est temps d’avoir les chocottes. Ce qui est d’autant plus terrible que cela vient souvent ternir des phrases plutôt jolies venant juste avant. Mais ça passe malgré tout parce que… Je ne sais pas, un charme bizarre.
Ce qui ne passe pas du temps, ce sont les indications historiques qui, si elles sont en soi intéressantes, sont maladroitement intégrées au récit, l’alourdissent et n’apportent pas grand-chose, pour la plupart, à l’intrigue.
Rétrospectivement, je me demande si ce roman n’est pas la mise en mot de la définition Wikipédia du mot « discothèque ». On y retrouve beaucoup d’éléments. Si c’est bien le cas, après tout, l’inspiration peut venir de tout et n’importe quoi, c’est une idée géniale mais qui aurait mérité une œuvre plus grande. Rien que la possibilité que le terme « discothèque » vienne d’un établissement situé imprécisément rue de la Huchette pendant l’Occupation ouvre tout un champ romanesque.
Dernière précision : le roman est suivi d’un cahier didactique fort bienvenu sur les zazous, le jazz, mais trop court. Et la couverture est moche.

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