Deux cavaliers de l'orage
de Jean Giono

critiqué par Jules, le 20 avril 2004
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Deux frères le Haut-Pays et la passion
Giono nous dit qu’il a écrit ce livre en même temps que « Le hussard sur le toit » Selon lui, l’un le distrayait de l’autre et il trouvait son énergie dans cette différence. Il est vrai que les ambiances n’ont rien à voir l’une avec l’autre. On a également fait un film de ce livre avec notamment Marlène Jobert, si je me souviens bien, comme personnage féminin. Mais toute l’histoire y a été sortie du contexte donné par Giono pour être transposé dans les Dardanelles à la fin de la guerre 14-18.

Dans le roman, tout se passe dans le « Haut – Pays », là où le vent souffle, la neige tombe, la vie est rude. Pas comme dans la vallée où : « Chose fantastique : à l’ombre des arbres, il y avait des femmes désœuvrées assisses dans des fauteuils ! Pour se permettre des fantaisies de ce genre, ces gens là avaient incontestablement une force dont il fallait se méfier. »

Marceau, dit « Jason l’Entier », Marat et l’Ange, dit « Mon Cadet » sont les trois fils de Jason l’Artiste. Marat va mourir à la guerre en septembre 17, laissant Jason l’Entier seul avec sa passion pour Mon Cadet. Alors que l’Entier est un véritable colosse, aussi haut que large et d’une force hors du commun, Mon Cadet est fin et délié, a un teint hâlé et des yeux de biche. Mais une grave erreur serait de le sous-estimer car il est capable de monter la mule la plus rétive et de lui faire faire ce qu’il veut. Aussi, les deux frères se livrent-ils au commerce des mules avec succès.

La passion de Jason l’Entier pour son jeune frère est totale, obsessionnelle et parfois envahissante. Mais celui-ci la lui rend bien. La description de ce lien entre les deux frères m’a cependant paru un peu longue.

Elle est directement suivie par le récit d’une journée terrible dans la maison de Jason l’Entier. Alors que les deux frères sont partis vers la ville la plus proche qui est Lachau, cinq femmes sont réunies là afin de travailler toutes les parties d’un cochon fraîchement tué. Il y a là la mère des deux hommes, Ariane, la femme de l’Entier, Valérie, de Mon Cadet, Esther et une amie d’Ariane, Delphine.

Cette dernière prétend voir l’avenir et celui-ci semble d’autant plus sombre que les deux hommes sont partis par une journée bien inquiétante. La lumière ne se lèvera jamais et elles se demanderont tout le temps si c’est la nuit ou la journée. Comment les hommes vont-ils retrouver leur chemin par un temps pareil dans les Hautes Collines ?… Un temps à se perdre, même quand on connaît bien. Ariane sentira un terrible pressentiment et ce n’est pas la conversation de la journée qui mettra la jeune mariée, Esther, plus en confiance ! Et puis, pourquoi l’Entier a-t-il entraîné Mon Cadet dans ce voyage qui, après tout, ne concerne pas leur commerce ?

La réponse de Delphine est directe : « Ah ! Et puis, ma belle Valérie, les hommes sont des hommes. A l’âge qu’on a, Ariane et moi, on se dit bien que pas une fois on n’a compris, ni ce qu’ils pensaient, ni ce qu’ils faisaient. » Et Delphine d’en remettre une couche : « Parce que je sais me tenir à ma place. De mon temps on nous avait appris la chose une fois pour toutes. D’un côté il y a ceux qui sont dans la vie, et de l’autre côté il y a nous, les femmes. »
Cette longue conversation entre femmes sera des plus intéressante et édifiante !

Giono nous raconte ici une histoire qui se passe dans son pays, dans les hauteurs de Sisteron, et qui ne manquera pas de rebondissements. Tous ces personnages sont fiers et orgueilleux, aussi entiers que n’est entière la nature dans laquelle ils sont nés et vivent. Mais qu’est ce que cet avenir qu’Ariane semble avoir deviné ?…

Oui, il y a des descriptions, mais dans un style superbe qui vous permet de bien comprendre les enjeux et les raisons du comportement de ces hommes et femmes.