Cuevas blues
de André Pieyre de Mandiargues, José Luis Cuevas (Dessin)

critiqué par Eric Eliès, le 19 mars 2017
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Poésie de l'horrible
Cette mince plaquette contient un unique poème, qui se lit en une dizaine de minutes. André Pieyre de Mandiargues y célèbre le talent et la puissance d’impact de Jose Luis Cuevas, artiste mexicain iconoclaste (l’une de ses œuvres les plus célèbres est une grande statue en bronze représentant un homme à quatre pattes levant la jambe pour uriner comme un chien). Les sections du livre confrontent un dessin de Cuevas figurant une créature (page de gauche) aux vers de Mandiargues (page de droite). Le poème, écrit en vers libres, est chargé de tension comme si chaque page était un éclair illuminant d’un coup une cour enténébrée peuplée de monstres aux visages inexpressifs ou affublés d’un masque aux allures de cercueil

Monstres tels qu’ils ne montrent jamais
Sauf à l’œil bleu d’un voyant solitaire
Où leur beauté s’inscrit dans le silence,

Le poème se lit d’une traite et compose un portrait en creux de l’artiste, présenté comme une sorte d’enfant terrible hanté depuis toujours par la mort violente et le sordide de l’existence…

Je vois l’enfant regarder gravement / Qui semblaient issues du bois d’un carcan / Fardées de blanc de charbon et de pourpre / Des têtes de femmes épouvantables / Au-dessus d’un flux d’urine d’hommes / Ignorant s’ils les prendraient pour cibles / De leurs longs revolvers d’argent / Ou s’ils se payeraient le plaisir / De les vexer au fond de l’étable / Après les avoir tirées hors / Des fausses guillotines / Et l’enfant dessinait sans pitié,

J’ai su qu’il vit mourir un homme là / Près de qui fut mis un cierge / Avant que la police n’arrivât

Le premier mort qu’il ait regardé