Les désemparés
de Francis Denis

critiqué par Débézed, le 17 mars 2017
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Nouvelles en couleur
Dans ce recueil Francis Denis a rassemblé quinze nouvelles d’inégale longueur qui évoquent toutes d’une certaine façon la difficulté des êtres à s’intégrer dans un monde et dans une société qui ne semblent pas faits pour eux. Des individus qui sombrent dans une chute définitive, pas tous cependant, certains entrevoient au bout du tunnel de leur existence le rayon de lumière qui pourra leur permettre de vivre dans ce contexte qu’ils n’ont pas choisi mais qu’ils pourront alors apprivoiser.

Le pauvre quidam que personne ne considère trouvera un peu d’espoir auprès d’une prostituée attentive et douce ; un homme et une femme convaincus qu’il leur est impossible de trouver un conjoint acceptant leur défaut, finissent par se réunir dans un même amour ; l’enfant maltraité comprend qu’en sortant du placard dans lequel on l’enferme, il perd son seul refuge d’intimité ; le président qui doit prendre ses fonctions, qui regrette déjà la douce vie qu’il menait avant ; l’enfant qui trouve sa mère délaissée pendue… tous des êtres en rupture avec leur vie qui surmontent cette épreuve ou qui sombrent définitivement.

Francis Denis est aussi un peintre, on peut le constater dans ses textes où il prend toujours soin de décrire les lieux fréquentés par ses héros avec précision et sensibilité, on a l’impression qu’il voudrait mettre de la couleur dans sa prose. Une prose très proche de la poésie, fluide, humide, qui coule comme une eau paisible, une écriture élégante, sensuelle, avec même parfois une petite dose d’érotisme, pour construire un texte frais, odorant, coloré par une abondance d’adjectifs. Un texte qui décrit la vie comme elle est, brutale, cruelle, déchirant l’écran de poésie qui masque souvent de bien grandes douleurs. On a l’impression que l’auteur regrette un monde originel, végétal, peuplé seulement d’êtres paisibles, un monde qui peut-être fut mais un monde qui sort aussi tout droit de son imagination. Il maintient ainsi le lecteur entre la réalité la plus crue et une virtualité imaginaire et poétique, entre ce qui est et ce qui aurait peut-être pu être, dans le monde qu’il décrit dans une de ses nouvelles. « Nous vivons dans un monde aérien fait de sons et d’odeurs. Proches de la terre et de l’écume, solidaires des goélands et des mouettes qui viennent se frotter à l’immensité du ciel, proches de la pierre, du sable et de l’eau, proches du bonheur certain mais fragile ». Ce monde c’est l’univers de Francis Denis mais les hommes sont entrés dedans et l’ont sérieusement altéré, c’est l’univers naïf et coloré qu’il peint sur ses toiles, du moins pour celles que j’ai pu voir.

Mais, tant que le poète vivra et écrira, l’humanité pourra nourrir encore quelques espoirs.