L'homme de peu
de Jean-Claude Tardif

critiqué par Dixie39, le 2 février 2018
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Un chemin tracé. Une résonance...
"Être le greffier du temps,
Quelconque assesseur que l'on voir rôder
Lorsque se mélangent l'homme et la lumière."

Voilà. Ce sont ces quelques vers en exergue des âmes grises de Philippe Claudel qui m'ont conduite à l'homme de peu de Jean-Claude Tardif.
Parfois cela tient à pas grand chose, la découverte d'un auteur : un chemin tracé, une résonance entre deux livres, deux écrivains... et puis surtout, cette promesse de bonheur, que l'on devine entre les mots.

"mots-jetés, brindilles entre deux amis
consolés par leurs gestes."

J'ai commencé la lecture, et très vite, je me suis retrouvée aux côtés de l'auteur, l'écoutant me raconter cet homme de peu, me présentant certains de ces compagnons de voyage, d'accueil et de partage : poètes et amis...
Petit à petit, sont remontées doucement :

"des odeurs d'enfance séchée
que l'on tient au secret
dans une armoire de chêne."

En ce temps où l'enfant écoutait, apprenait autant des silences que des mots, petite main enserrée dans celle calleuse et ample de l'ancien ; en ce temps où

"Un livre prêté...
Nous l'appelions lucarne
d'où les mots s'envolaient,
s'étiraient telles nos grasses matinées de printemps.
Nous n'osions pas même le refermer
quand nous faisions l'obscurité."

Et puis, il y a les douleurs fantômes de la guerre d'Espagne, si savamment tues qu'elles ne dupent personne : ni les vieux qui peinent à effacer leurs bleus, ni les "enfants-petits" qui savent

"que les morts du jardin prolongeaient d'autres morts
sous les paupières d'Antonio."

J'ai repris la route plusieurs fois, relisant encore et encore

"La parole jusqu'à l'écho"

Libre d'aller, sans boussole ni plan, je me suis sentie plus légère, délestant de mes épaules tout ce que je croyais essentiel et qui tombait sans peine jusqu'à trouver trace de l'homme de peu. le mien. Ni tout à fait le même, ni tout à fait différent de celui de l'auteur.

"Il me ressemble
lorsqu'il se regarde dans les flaques. "

Ce ne sont pas des souvenirs égrainés au fil des pages que vous trouverez dans ce recueil de Jean-Claude Tardif ; c'est la moelle d'une vie.

"Demain se fera en silence"