Equateur
de Antonin Varenne

critiqué par Ellane92, le 10 mars 2017
(Boulogne-Billancourt - 48 ans)


La note:  étoiles
Voyage au bout du monde
Pete Ferguson est un homme secret et taciturne, qui a déserté l'armée, et est recherché pour meurtre, incendie volontaire... Sous le nom de Billy Webb, il vient d'être embauché, presque par hasard, dans une troupe de chasseurs de bisons. Le soir, après la chasse et l'équarrissage, il écrit des lettres, qu'il n'envoie jamais. Mais la violence ne laisse pas passer ce type d'homme, et il est bientôt obligé de reprendre la route, croisant une bande de comancheros, fuyant au Mexique.

Antonin Varenne a le chic pour nous proposer des portraits d'hommes plus vrais que nature, à la recherche d'eux-mêmes. Pete Ferguson est un personnage au premier abord pas très sympathique. Il semble se complaire et souffrir en même temps de la solitude qu'il s'est lui-même choisie, et des choix qu'il a fait, en toute connaissance de cause. Les remords et les regrets peuplent son quotidien, tout comme la soif de justice et l'envie de trouver un sens au gâchis qu'est sa vie. Alors il prend le rêve d'un autre, d'un chasseur de bison. Il part à l'autre bout du monde, direction l'équateur. "Le vieux chasseur disait que là-bas tout s'inverse. Que les pyramides se dressent sur leur pointe, que l'eau monte au ciel, que les oiseaux marchent et qu'il faut remplir ses poches de cailloux pour garder les pieds sur terre. Il disait qu'à l'équateur le monde tourne à l'envers, que les rêves sont vrais et les vérités si solides qu'on les trouve en pépites dans des mines de sable. L'air y est si léger qu'il n'arrête plus le regard et on peut voir à des miles de distance. On ne travaille plus une fois franchi l'équateur, parce que les efforts n'existent plus grâce à la gravité inversée. La force n'existe plus. La violence épuise ceux qui l'éprouvent et ils ne peuvent plus bouger. Les sentiments prennent forme en prononçant leur nom et le temps s'écoule plus lentement pour avoir le temps de les dire".
Avec Pete Ferguson, dont nous apprenons au fur et à mesure à comprendre les blessures et les cicatrices, nous traversons presque la moitié du monde, à pied, à cheval ou en bateau, avec quelques arrêts, le temps d'une rencontre ou d'une déchirure, dans un village mexicain, le temps d'une révolution guatémaltèque avortée, en traversant les bagnes de Cayenne, ou d'un tatouage dans les forêts de Guyane, jusqu'à atteindre l'eldorado équatorial. Mais Pete ignore que nous transportons ce que nous sommes avec nous, où que nous allions. Et que la rédemption vient parfois des yeux ronds d'une indienne partie combattre sans espoir de victoire et dont la tribu est en voie de disparition.
Comme dans Trois mille chevaux vapeur, qui a un lien lointain avec Equateur, Antonin Varenne tient son lecteur en haleine au long de cet incroyable périple, mêlant habilement l'histoire d'un 19ème siècle en pleine mutation, l'immensité des territoires évoqués, l'action, et la rédemption d'un homme que l'on aimerait pouvoir sauver. Le rythme du récit est maitrisé, les personnages bien développés, et le tout est fort bien écrit, avec des scènes très marquantes (je retiendrais particulièrement la scène de la chasse aux bisons, en début de livre, et celle du tatouage, beaucoup plus tard).
Equateur est une très belle découverte.
Comme une suite de « Trois mille chevaux vapeur » 8 étoiles

Comme une suite de « Trois mille chevaux vapeur » mais pas vraiment non plus. Lire Equateur sans avoir lu « Trois mille chevaux vapeur » n’est pas pénalisant non plus.
Encore un roman d’Antonin Varenne au grand souffle, avec l’air du large. Nous sommes en 1871, le roman se terminera vers 1875, quatre à cinq années d’errance. Pete Ferguson va partir des USA, de l’Ouest américain pour, telle une quête existentielle, passer par le Guatemala et la Guyane pour parvenir à toucher du doigt l’équateur, au Brésil. Puis bouclage de la boucle pour un retour américain, au Nevada, là où tout a commencé.
Pete Ferguson est une espèce d’aventurier, poursuivi par la poisse et bien d’autres choses (voleur, déserteur, meurtrier, …) qui a repris à son compte le rêve d’un brièvement vieux collègue massacreur de bisons : gagner l’équateur puisque là-bas tout s’inverse ; il n’y a plus de forces contraires qui contraint aux efforts et … on n’y est pas loin de l’Eldorado. Selon le collègue massacreur de bisons, bien entendu.
Mais il va y en avoir des péripéties pour boucler cette boucle ! Et bien sûr l’équateur ne sera pas exactement ce qui était idéalisé …
A la lecture de ce roman on a une assez bonne idée du pourquoi il n’y a plus trop de bisons maintenant dans les plaines de l’ouest américain. On a beaucoup d’autres convictions qui s’ancrent également concernant le Mexique, le malheur des indigènes guatémaltèques, le Far West guyanais et le grand bazar brésilien.
Antonin Varenne a du souffle et n’a pas peur de l’épique. On voit du pays, on souffre mille maux, mais on revient au Nevada, pas seul en outre …

Tistou - - 67 ans - 27 septembre 2022