Cannibales
de Régis Jauffret

critiqué par Alma, le 7 mars 2017
( - - ans)


La note:  étoiles
Les histoires d'amour finissent mal, en général
Noémie, artiste peintre de vingt-quatre ans. vient de rompre avec Geoffrey, un architecte de près de trente ans son aîné avec qui elle a eu une liaison de quelques mois. Elle adresse à Jeanne, la vieille mère de celui-ci, une lettre pour s’excuser d’avoir rompu. Une correspondance se développe entre les deux femmes qui finissent par nouer des liens diaboliques et projeter de dévorer Geoffrey.

Un roman épistolaire où se croisent les lettres de deux femmes mues par la rancoeur à l'égard d'un homme qui les a déçues .
Dépit amoureux pour l'une, aigreur à l'égard d'un fils non désiré et mal aimé, fruit d'une union malheureuse pour l'autre .
La haine à l'égard de Geoffrey développe en elles une sorte d'amitié qui au fil des mois devient passion .
Les deux femmes vont entretenir une conversation épistolaire entrecoupée de rencontres plus ou moins réussies, mais elles vont vite dépasser leurs différences pour s'unir contre un ennemi commun, surenchérir dans l'évocation de leur vie avec l'être haï et aboutir à un projet de cannibalisme. Au passage, elles ne manquent jamais d'égratigner aussi bien la vie de couple que la foi religieuse, les architectes, les psychothérapeutes …...Un vrai jeu de massacre qui sert d'exutoire à leur « envie de se venger de la race pénienne dans sa globalité », auquel elles se livrent à coeur joie avec une allègre férocité .

Tout en se délectant à l'avance de la chair cuite à point de Geoffrey lors de ces futures «  agapes anthropophages », où elles auront le plaisir de se « faire vampire le temps de le vider de son sang immonde », elles se repaissent de leur correspondance fielleuse, «  cet ersatz de conversation », qui les revigore en les rendant complices.

Ce roman, j'ai bien failli l'abandonner au bout d'une quarantaine de pages et si j'ai poursuivi ma lecture, c'est que je me suis sentie entraînée par la puissance du verbe de Régis Jauffret, bien plus que par l'envie de découvrir l'issue d'un scénario peu convaincant .

Une écriture qui a du panache, élégante, mise au service d'une projet sordide. Une écriture torrentielle qui ne se refuse rien, ni l'emphase, ni les hyperboles, ni les effets d'accumulation, ni les tournures désuètes.

Un brillant exercice de style . Un régal !