L'ignare
de Shuntarō Tanikawa

critiqué par Pjb33, le 21 février 2017
(Bordeaux - 72 ans)


La note:  étoiles
un maître
D’après l’éditeur de ce très beau livre (superbement imprimé à la façon traditionnelle, comme toujours chez Cheyne), et la traductrice et préfacière, Tanikawa (né en 1931) serait "le poète vivant le plus populaire et le plus aimé aujourd’hui dans l’archipel nippon".

En tout cas, cette sorte d’anthologie publiée sous le titre d’un des poèmes, "L’ignare", est non seulement belle et agréable à lire dans la traduction, mais elle offre en regard l’original des textes et, même si on ne connaît pas le japonais, c’est absolument magnifique à regarder !

Je me contenterai de signaler quelques extraits qui m’ont particulièrement touché, notamment dans la réflexion du poète sur lui-même et sur ce qu'est la poésie :

Mais au moment même où j’écris ces mots,
je me tiens déjà, bien sûr, à bonne distance de la poésie
M’appeler « poète », quelle blague !

Qu’on mette le point final à un poème, et le monde se termine là

le poème ne promet rien
Car il laisse seulement entrevoir
la chimère d’une impossible réconciliation entre nous et le monde

Mes poèmes, j’ai du mal à les lire d’un œil critique
J’ai beau prétendre les avoir quasiment oublié, ils ne sont pas l’œuvre d’un autre
Et pourtant, ils ne m’appartiennent pas complètement
Dans quelle mesure en suis-je responsable ? J’ai l’impression
bizarre d’être suspendu dans le vide

Le poème ne passe que par les mots
L’au-delà des mots, seul l’homme peut le capter

Chaque être ne peut vivre qu’une vie, la sienne
Elle finira après avoir tout au plus éraflé quelques autres vies

J’ai voulu écrire mon journal, l’envie de dormir m’en a empêché
D’ailleurs, des événements d’une journée, lequel noter,
lequel laisser de côté, j’ai toujours du mal à en juger


Bref, encore une réussite des éditions Cheyne !