Le mariage de plaisir
de Tahar Ben Jelloun

critiqué par Pascale Ew., le 20 août 2017
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Couleur de peau et destins des hommes
Amir est un commerçant marocain à Fès à la veille de l'indépendance. Il est marié et a quatre enfants, dont Karim, trisomique, son préféré. Il se rend régulièrement au Sénégal pour ses affaires et y contracte alors un mariage temporaire, dit "mariage de plaisir", autorisé aux musulmans, avec Nabou. ("Dieu a institué cela pour lutter contre la prostitution. (…) le mariage de plaisir contracté hors du foyer conjugal pour une période donnée a un parfum d'interdit, il peut exciter les bas instincts de l'homme. Il ne doit cependant en aucun cas être compris comme un encouragement à humilier la femme légitime laissée à la maison, ou maltraiter celle avec laquelle vous consommez un mariage pour quelque temps. Cette notion de "plaisir" est liée à la brièveté de la relation. L'autre mariage, installé dans le temps et pour la procréation, n'évacue pas le plaisir, mais le dilue.") !!!
Or, à son étonnement, il tombe amoureux de Nabou, alors qu'il respecte sa femme, mais il ne s'agit que d'un mariage arrangé sans passion. Il décide alors de ramener Nabou chez lui. Bien entendu, cette arrivée crée le chaos et les querelles dans la maison ! C'est un combat sans merci que livre Lalla Fatma à Nabou, la traitant comme ses servantes. Nabou tombe enceinte et accouche de jumeaux, l'un blanc (Houcine) et l'autre noir (Hassan) ! Leur vie sera fort différente à cause de la couleur de leur peau.
L'auteur reprend ses chevaux de bataille pour combattre avec les mots le fanatisme religieux, le racisme et prôner la tolérance. Il décrit avec beaucoup de tendresse les enfants trisomiques et le personnage de Karim est très attachant. Il est étonnant de découvrir à quel point les Nord-Africains ne se considèrent pas comme Africains et méprisent autant les noirs. Etonnant également les provocations lancées par l'auteur louant la méchanceté présentée comme une force, à ne pas prendre au premier degré, mais déroutant tout de même.
Le lecteur peut se demander à un certain point de ce conte où l'auteur veut en venir dans son histoire et où il va s'arrêter dans l'histoire de cette famille. On dirait qu'il part d'un thème : le mariage double, et dévie vers d'autres. On ne comprend pas trop pourquoi Salim veut à tout prix s'exiler en Europe alors qu'il subit déjà le racisme des arabes; cela ne risque pas de s'améliorer plus au nord. C'est comme s'il ne pouvait s'affranchir de cette révolte et qu'il voulait affronter la haine à tout prix. En tous cas, cela a le mérite de nous faire réfléchir encore une fois sur la motivation de ces milliers d'exilés prêts à tout pour une vie rêvée.