Anxiété
de Scott Stossel

critiqué par Colen8, le 4 février 2017
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Un combat sans répit
A voir cette physionomie joyeuse et malicieuse en seconde de couverture nul ne peut soupçonner le calvaire de ce brillant journaliste, qu’il endure depuis la toute petite enfance. Sujet à de multiples formes de phobies souvent handicapantes son psy l’a incité à écrire sur l’anxiété, ou l’angoisse existentielle car on ne fait pas toujours la différence. C’est à partir de sa propre expérience qu’il a construit cette histoire afin d’y mettre de la distance et de trouver une voie de sortie après l’échec patent de toutes ses tentatives antérieures. Pendant des décennies il n’aura cessé de se soigner par la psychiatrie, par les TCC (thérapies cognitivo-comportementales), par les cocktails de médicaments additionnés le plus souvent d’alcools forts, par l’autosuggestion. Rien ne lui a permis de guérir de ses crises de paniques, palpitations, sueurs et tremblements, colon irritable, incontinence, vomissements. Son analyse est minutieuse, précise, documentée. Elle s’appuie sur des milliers d’enquêtes cliniques ou de laboratoires publiées, sur les dernières observations de l’IRM fonctionnelle concernant l’activation de l’amygdale où siègent les émotions.
L’autobiographie partielle en toile de fond illustre les difficultés sous-jacentes à ces psychopathologies plurifactorielles qui relèvent à la fois de la vie sociale, de l’environnement psychique, de la neurobiologie, de la génétique. Elles peuvent atteindre tout un chacun, apparaître dès la naissance, se manifester de façon soudaine à la suite d’un stress, parfois elles guérissent, parfois sont atténuées, parfois restent chroniques. Les spécialistes tentent de s’accorder sur leur définition et leur diagnostic en utilisant les tests DSM V(1). Longtemps la psychanalyse a prévalu jusqu’à la découverte presque par hasard après 1945 de molécules qui ont transformé le traitement des malades internés en hôpital psychiatrique. Il s’agissait de la classe des benzodiazépines. L’industrie pharmaceutique a si bien senti le filon qu’elle a mis sur le marché des successions de psychotropes qui ont rapidement trouvé des cibles de clientèle inexistantes auparavant. On a vu apparaître les ISRS (inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine), puis les IMAO (inhibiteurs de la monoamine oxydase) dont on ne sait même plus s’ils sont la cause ou la solution de ces troubles anxieux généralisés.
De très grands esprits, Newton, Darwin, Freud pour n’en citer que quelques uns ont souffert de troubles anxieux récurrents grâce auxquels leur génie a pu donner sa juste mesure. Mais il y a matière à s’inquiéter quand on apprend que longtemps déniée par la hiérarchie militaire l’anxiété touche entre 15% et 20% des combattants par ce qu’il est convenu d’appeler le SSPT (syndrome de stress post-traumatique), un trouble grave qui survient pendant le conflit et continue à perturber certains soldats durablement si l’on en croit les études menées auprès des vétérans. La faculté de résister ou non à un stress excessif se mesurerait à la concentration cérébrale en neuropeptide Y (NPY) selon certains chercheurs. Mais vouloir réduire l’anxiété à un quelconque désordre biologique prive l’être humain de ce qui le distingue du règne animal, la capacité à utiliser la plasticité neuronale pour agir en retour sur lui-même, à faire émerger ce que l’on nomme la résilience.
(1) Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie