Les corps de Lola
de Julie Gouazé

critiqué par Nathavh, le 4 février 2017
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Désir, désir...
Une lecture inhabituelle pour moi, une lecture qui parle du plaisir, du désir, de sexe. Parfois directe, crue mais jamais vulgaire , une écriture poétique et sensible. Un texte qui perturbe, questionne, secoue nos esprits, nos habitudes. Le plaisir, le désir ; un texte touchant l'intime.

Quelle femme se cache en nous ? Quelle femme domine ?

Lola est trois femmes à la fois.

Lola la rouge, la provocante, la jouisseuse, l'érotique, celle qui veut braver les interdits, vivre ses désirs, passer la ligne.

Lola la bleue , la sage, celle qui aime la douceur, ses culottes en coton et pyjamas en flanelle., la raisonnable.

Ces deux Lola vivent dans le corps je dirais de Lola la violette, celle qui doit composer avec cette dualité : amour-plaisir, respect ou soumission.. Chaque Lola prend le dessus à un certain moment et veut prendre le contrôle. Lola la violette essaie de se construire.

Par amour pour lui, elle est prête à tout : le SM, l'échangisme et même l'amour à trois. Elle se dépasse, veut franchir la ligne, braver tous les interdits. Tout ça pour le garder ? Amour ou soumission ? Elle veut plaire et porte en elle la souffrance de le perdre. Elle aimerait réapprendre le plaisir, le désir. C'est quoi le désir ? Comment évolue-t-il ? Pourquoi est-il éphémère? Lola nous parle aussi de l'évolution de la notion de désir à différents moments de notre vie. Identité, liberté ?

Un texte direct, haché, saccadé, "craché" des tripes comme le sont les pulsions de Lola. La plume est particulière, poétique, sensible, sensuelle. Ce joli texte, fluide à l'écritute où les mots sont superbement choisis m'a ému. Je vous le conseille.


Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Tu l'enchaînes parce qu'elle est libre et qu'elle te permet de t'attacher. Par sa soumission, elle t'accorde le droit de devenir le maître. Elle obéit à ton ordre mais c'est elle qui te donne la permission de jouer d'elle liée.

Un pied craquelé et fissuré dans un escarpin, c'est comme un saucisson trop gras dans un écrin de velours. C'est de la fausse publicité. Un tue-l'amour. Une odeur de poussière.

Un corps sans désir est un corps qui se meurt de l'intérieur. Et c'est en même temps un corps qui jubile. Ne plus être retenu par rien, ne plus pouvoir satisfaire... est-ce le début de la liberté ? Sans entrave, sans désir, sans besoin, le corps peut s'envoler.

La liberté commence à l'intérieur du corps. Et il est aussi le dernier rempart avant la soumission et l'enfermement.

Pourquoi dire les choses, les nommer ... quand on les fait ? Quand on les vit ? Trouver les mots, c'est faire exister. Faire perdurer. Alors qu'elle ne veut que fermer les yeux et oublier.

Ce n'est pas la morale qui rattrape Lola. C'est l'interdit. L'envie d'aller voir ce qu'il se passe derrière les limites. Jubiler de faire ce dont les autres n'osent même pas rêver.

Porter le bonheur de l'autre sur ses épaules, c'est un peu oublier le sien.

Faire le choix de rester justement parce qu'elle est libre et qu'elle a la possibilité de partir. Tous les jours. S'il l'enchaîne à lui, elle n'aura de cesse que de trouver l'outil qui la libèrera de lui. Elle deviendrait violente, cruelle et injuste pour qu'il la lâche.

Le silence peut tuer. Il sait guérir aussi.

Sublime dans le fantasme de l'autre Lola Rouge transforme le glauque en poésie.

Le vrai défi de la vie, c'est de continuer à aimer ce que l'on connaît. C'est se forger la conviction que l'on a encore à découvrir.

Faire voeu de silence. Le silence. L'absence des mots. Le refus. Fermer la bouche et laisser sa tête s'envoler.
L'éducation par le silence, c'est être obligée de vivre les choses à l'intérieur de soi. Agencer les syllabes pour faire exister la vie. Créer des phrases silencieuses pour continuer à avancer. Juste être soi. Dans cet embrouillamini de salives.