Une activité respectable
de Julia Kerninon

critiqué par Nathavh, le 3 février 2017
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Une ode à la littérature
Julia Kerninon vient de fêter ses trente ans. Ses parents, des enseignants qui se sont posés après avoir parcouru le monde lui ont transmis leur passion pour les livres et la littérature américaine.

Elle a cinq ans et demi lorsque sa maman l'emmène à la librairie "Shakespaere et Company". Elle est littéralement sous le charme et souhaiterait rester dormir entourée de livres dans cette librairie.

Depuis ce moment, elle ne peut s'empêcher de lire tout ce qui l'entoure, peu importe le format : étiquettes, livres... Il devient vital pour elle de lire.

La sanction ultime pour la punir est la priver de lecture.

Ce sont les mots qui la fascinent, qui lui permettent de quitter la vraie vie lorsqu'elle n'est pas intéressante pour se réfugier dans cette vie intérieure livresque.

Les mots car très tôt, âgée de cinq ans elle reçoit comme cadeau d'anniversaire une machine à écrire. Alors elle lit, elle écrit, c'est naturel, c'est essentiel, c'est VITAL.

Âgée de seize ans et demi, elle lira des poèmes dans les cafés, la littérature l'habite complètement.

Elle fait des études de lettres et à 20 ans demandera à son père "une année de pause, une coupure" afin de voir si elle peut réaliser son rêve, devenir écrivain.

Elle s'en va donc s'installer à Budapest, et là, pendant une année, seule devant sa table isolée du monde, elle lira le matin et écrira la nuit. Deux livres sont écrits en un an. Ce n'est que deux ans plus tard que le premier "Buvard" sera publié et primé du prix Françoise Sagan.

Ce récit est une ode à l'écriture, à l'amour des mots et de la littérature mais aussi un magnifique témoignage d'amour à sa maman.

Un style précis et souple. De longues phrases bien agréables. J'ai passé un excellent moment et ai envie de découvrir les deux romans primés tous les deux, le second "Le dernier amour d'Attila Kiss" ayant obtenu le prix de La closerie des Lilas.

Hâte de découvrir l'avis de ma binôme Julie.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Cétait évident qu'il faudrait pouvoir dormir entre les livres, qu'il n'y aurait pas de frontière entre la vie quotidienne et les pages, à la maison ma housse de couette représentait aussi des livres, de tout petits livres alignés sur des dizaines et des dizaines d'étagères, leur tranche ne dépassant pas un centimètre - alors bien sûr, bien sûr qu'on pouvait dormir là, dans une librairie.

C'est elle aussi qui m'a convaincue de renoncer à décrire physiquement mes personnages - arguant que dans les livres d'horreur parfaits qu'elle avait lus, les créatures monstrueuses ne sont décrites qu'à travers les bruits qu'ils font ou l'odeur qu'ils dégagent, ou même la texture de leur peau, leur température, et que c'est dans ce silence que le lecteur est le plus en mesure d'assembler le monstre intime qui lui fait vraiment peur à lui, personnellement, parce qu'on ne peut pas exactement deviner ce qui effraie quelqu'un d'autre que soi.

Je pensais que pour être écrivain, je devais m'exercer comme un athlète, comme une danseuse, jusqu'à ne plus avoir mal, jusqu'à ne plus me poser de questions, et je cherchais à posséder cette compétence.

Comme des repères, les livres nous mènent à d'autres livres, ils nous font ricocher - nous lisons comme Dante se laissant guider par Virgile dans la forêt sauvage du péché. Dans les bibliothèques, dans les librairies, les voir tous côte-à-côte, si nets, comme des compartiments dans un columbarium, chacun renfermant une voix, une aria, je ne connais rien de mieux. Je reviens toujours là. C'est tout.

Ma vie, je la passe à lire des livres pour remettre les choses en place, pour me déplier, et c'est comme chanter tout bas à ma propre oreille, pour me réveiller.

Les histoires ne sont que des histoires, elles permettent une respiration mais ne réparent rien, elles sont ce qu'on peut fabriquer avec les petits débris retrouvés après les catastrophes, elles ne sont pas une seconde chance, simplement des louanges du mort chuchotées à l'oreille des survivants, aussi éloquentes qu'elles sont vaines.