Et tous mes amis seront des inconnus
de Larry McMurtry

critiqué par Antihuman, le 18 janvier 2017
(Paris - 41 ans)


La note:  étoiles
Pur dasein
Rien à dire sur ce classique de la littérature ; que beaucoup devraient lire. (Si seulement les gens lisaient encore les bons livres, et en allant jusqu'au bout.) D'abord, l'épopée de Danny commence par sa liaison avec Sally, cette psychotique débile qui refusera à son mari ce qu'elle se permet elle-même à haut-débit. Il faut savoir que cette supernova fait toute l'énergie du roman et constitue même sa matière noire intrinsèque.

Par contre si « Et tous mes amis seront des inconnus » commence comme une célèbre chanson country, son récit n'appuie jamais sur ce qui est officiel, révélé, et accepté par un peu tout le monde : au contraire le narrateur nous entraîne sans arrêt sur des autres voies beaucoup moins aisées et faciles. Cela produisant sans doute le fait que beaucoup des lecteurs de ce chef d'oeuvre ne vont pas jusqu'à la dernière page...

Le coté nostalgique de Danny Deck est également pensé et prouvé, tout le long de la lecture on est à priori d'accord avec lui du fait qu'il a tout simplement raison et qu'il ne perce que l'imposture. Pas d'énigmes cachées dans les feuilles d'automne, donc. De telle sorte qu'il n'y a aucune mélancolie non-justifiée dans « Et tous mes amis... » et sa déprime récurrente n'est pas le conte du serpent qui se mord la queue en nourrissant sa propre névrose, c'est juste dû à des choses bien concrètes telles que, par exemple, la sobriété du héros avec son immense simplicité.

Après tout, Danny se remet en question à perdre haleine et même lorsqu'il débarque à la splendide San Francisco, et même quand il joue au ping-pong avec Wu. Ce qui ne le sert pas du tout puisqu'il se fait quand même virer par un peu tout le monde, voire constamment agresser. Peut-être est-ce justement la raison pour laquelle ce roman pourra être relié par certains à énormément de films de cinéma, dont « Le Déclin de l'Empire Américain » avec aussi « La Dernière Séance  « . (Et forcément puisque il s'agit du même auteur.)

Nous vivons dans un monde juste un peu idiot et envahi par une superficialité contagieuse, sinon obligatoire. C'est ce que Danny Deck conclut dans le désert en voiture, et inutile de dire qu'il est dans le vrai.

Enfin, les multiples rencontres de Danny ne font que prouver ses doutes pourtant infimes, à commencer par la terrible frivolité de Jill ; la préférée de Danny qui pourtant ne carbure qu'au narcissisme éhonté. De même, Jill travaille à Hollywood et comme Danny le fait remarquer, celle-ci représente l'ordre établi ; donc la morale et le dasein. Ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs de succomber comme la plupart des petits bourgeois occidentaux au BAC du samedi soir (Baise – Alcool – Came) pour se sentir cool.
Même la sympathique Emma n'est que le pendant négatif de Jill !

Reste d'autres figures et de nombreuses caricatures très amusantes qu'on découvre agréablement au fil des chapitres et que je ne dévoilerai pas pour ne pas étouffer ce récit qui trace sa route extrêmement bien tout seul, et encore aujourd'hui.

Inutile d'ajouter que « Et tous mes amis seront des inconnus » est également un ouvrage infiniment subversif voire érotique, beaucoup plus que d'être un quelconque requiem du western. C'est même ce qui fait sa force.