Ruines
de Peter Kuper

critiqué par Blue Boy, le 16 janvier 2017
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Effet papillon
George et Samantha ont décidé tous les deux d’aller vivre pendant un an au Mexique. Leur couple bat de l’aile, et un séjour loin de New York leur permettra peut-être, du moins le pensent-ils, de se retrouver. Au fil des ans, leurs aspirations ont divergé (elle veut un enfant à l’inverse de lui) et un fossé n’a cessé de se creuser entre eux. Leur année sabbatique dans ce pays à la culture si différente sera pour eux la tentative de la dernière chance.

De manière générale, la BD alternative est plus centrée sur le fond que sur la forme. Dans le cas de « Ruines », le dessin peut clairement rebuter dans ses petites imperfections qui relèvent de l’amateurisme : un trait manquant de fluidité, des corps et des visages un peu figés, des bâtiments qui semblent avoir été dessinés avec une règle... Et pourtant, le dessin de Peter Kuper comporte des qualités, notamment par son souci du détail, une mise en page recherchée et sa colorisation à l’aquarelle qui le rapprocherait presque de la peinture. L’auteur n’est pourtant pas un débutant en la matière, puisqu’il a publié de nombreux ouvrages depuis les années 90. Certains ont été nominés aux Eisner Awards, celui-ci ayant d’ailleurs remporté le prix du roman graphique cette année. Kuper enseigne même la bande dessinée à la School of Visual Arts of New York, comme quoi…

Une fois dépassées ses (éventuelles) réticences, on pourra se laisser charmer par cette histoire semi-autobiographique qui raconte les efforts d’un homme et d’une femme pour se retrouver mais qui ne sont plus vraiment sûrs de vouloir continuer sur le même chemin. Venue à Oaxaca dans le but d'écrire, Samantha est en pleine introspection et pense trouver la clé du bonheur dans ce Mexique avec qui elle se sent liée par le biais d’une relation amoureuse passée. Quant à George, désormais au chômage, son but est de se remettre à la peinture. Loin de leur petit confort new-yorkais, c’est un Oaxaca remuant et haut en couleurs, indifférent à leurs questionnements, qui va ébranler leurs certitudes de petits bourgeois, car autour d’eux le tumulte de la vie et de la mort omniprésente (nous sommes bien au Mexique) empiète sur leur intimité et aura inévitablement des incidences sur leur couple.

Mais pour chacun d’eux, il s’agit aussi d’un parcours initiatique, tel celui du papillon monarque dont on suit la trajectoire silencieuse de la Pennsylvanie au Mexique dans de courtes interludes entre chaque chapitre, conférant une note poétique à l’ensemble. George et Samantha s’extrairont-ils de leur chrysalide pour trouver la voie vers l’épanouissement ? S’ils doivent y parvenir, le feront-ils ensemble ou chacun de leur côté ?

« Ruines » est donc un roman graphique assez plaisant et évidemment très personnel comme la plupart des productions du genre. Alternant entre une description authentique et détaillée du quotidien dans une ville mexicaine et les questionnements d’un couple sur le sens de la vie (notamment à deux). Le récit est lent et assez digressif, mais l’intrigue reste claire dans son ensemble et parvient à susciter intérêt et fascination chez le lecteur. Un prix Will Eisner plutôt mérité malgré les réserves exprimées au début.