L'amie prodigieuse, III : Celle qui fuit et celle qui reste: Époque intermédiaire
de Elena Ferrante

critiqué par Psychééé, le 8 janvier 2017
( - 35 ans)


La note:  étoiles
Une lutte continuelle pour tenter d'échapper à son milieu
C’est avec plaisir que l’on retrouve Elena suite à la sortie de son roman : elle est sur le point d’épouser Pietro, professeur d’université de la renommée famille Airota et de partir vivre à Florence tandis que Lila vivote et trime dans la boucherie de Soccavo près de Naples. Bien qu’elles aient une personnalité et une vie complètement opposées, elles restent attirées l’une à l’autre comme des aimants, se déchirent et se retrouvent inlassablement. Leur relation alambiquée et de plus en plus toxique est entrecoupée de faits historiques auxquels tous leurs anciens camarades participent: la lutte des classes, le communisme, le fascisme, le féminisme, l’éducation, le déclin de Naples … A travers leurs vies familiales et professionnelles, c’est tout un pan de l’histoire de l’Italie des années 70 qui nous est révélé. Contrairement à ses prédécesseurs, ce roman prend donc un véritable tournant politique. Quant à la partie romanesque, truffée de rebondissements, une chose est sûre : vous ne serez pas au bout de vos surprises !
Une suite tout aussi passionnante 10 étoiles

Lila et Elena poursuivent leurs aventures au rythme d'une Italie qui évolue politiquement et socialement. Lila est toujours aussi manipulatrice, Elena toujours aussi difficile à cerner. Mais la vie est toujours pleine de surprises et sourit finalement plus ou moins aux deux protagonistes. C'est toujours aussi passionnant.

Flo29 - - 51 ans - 27 février 2018


Toujours aussi captivant 9 étoiles

Ce troisième tome ne dépare pas des deux premiers : on ne voit pas le temps passer une fois qu'on se plonge dans le récit et le plaisir est au rendez-vous. Quand on y pense, c'est pas évident de savoir comme Elana Ferrante s'y prend pour nous tenir en haleine : le récit n'est pas vraiment trépidant ni passionnant mais pourtant c'est le livre qui ne se lache pas. Grâce sans doute à une écriture très fluide et attrayante, à la sympathie que suscite l'héroïne et à la consistance que parvient à donner à chaque personnage l'auteur. Il y a vraiment quelque chose de magique dans la prose de Ferrante.

Bravo à l'auteur et vivement le quatrième tome !

Saule - Bruxelles - 58 ans - 23 octobre 2017


Les tourbillons d'une vie trépidante 9 étoiles

L'âge adulte est donc arrivé. Elena décrit son processus créatif littéraire, les aléas de la promotion de son livre, les quiproquos liés des discussions subséquentes à sa publication. Et puis elle s'insère dans le journalisme, et suit, un peu malgré elle, le mouvement ouvrier et étudiant, qui suit celui de France, qui la séduit un temps puis dont elle déchante. Elle se marie et fonde une famille, non sans heurt, car rien n'est linéaire dans son histoire. L'amitié en reste le fil fouge, elle cherche à renouer avec ses bonnes relations d'enfance.

Tout est vécu avec sincérité, passion et fraicheur, et il est vrai que cela fait du bien.

Veneziano - Paris - 46 ans - 5 mars 2017


Celle qui fuit et celle qui reste 10 étoiles

Je connais un excellent remède contre la déprime hivernale. Il a pour nom L’Amie prodigieuse et vous guérira sans aucun effet secondaire. En revanche, il faudra vous préparer à un marathon de lecture, surtout si vous décidez de commencer la saga par le tome I (Avec la parution du troisième volume, Celle qui fuit et celle qui reste, les deux premiers sont désormais disponibles en poche chez Folio).
Rien ne vous empêche toutefois de commencer avec le volume II, voire avec le volume III car Elena Ferrante est comme le bon vin, elle se bonifie au fur à et mesure.
Partant de ce principe, la rédaction du magazine Lire va devoir se préparer à décerner pour la seconde année consécutive son prix du meilleur roman de l’année à l’auteur qui veut rester anonyme puisque Le Nouveau nom a été couronné en 2016 et qu’à mon sens Celle qui fuit et celle qui reste est jusqu’à présent le meilleur des trois… en attendant le quatrième et dernier tome de la série !
Mais commençons par le commencement et L’amie prodigieuse qui nous entraîne dans le Naples des années 50. C’est là que va naître une indéfectible amitié – même si elle va subir de nombreux accrocs – entre Elena Greco, dite Lenù ou Lenuccia, la narratrice, et Rafaella Cerullo, dite Lina ou Lila. Deux gamines qui vivent dans un quartier pauvre de la ville et que nous verrons grandir jusqu’à l’adolescence.
Grâce au choix de deux filles au passé, à la famille et à la psychologie bien différente, le classique roman de formation prend une dimension sociale, voire politique. Lina la petite rebelle aime bien provoquer et prendre des initiatives, mais aussi profiter de son statut d’élève surdouée pour vouloir tout régenter. Lenù la timide semble se complaire dans le rôle de suivante, même si – aiguillonnée par son amie – elle va également réussir sa scolarité. Alors que Lina se transforme en femme fatale et va davantage s’intéresser aux garçons qu’à ses études, Elena tente de cacher ses rondeurs et son acné derrière des lunettes d’intellectuelle.
Voici venu le moment de dire que de nombreux personnages, pas si secondaires que cela puisqu’on va en retrouver beaucoup dans les volumes suivants, viennent enrichir le roman et le rendre quelquefois aussi un peu difficile à suivre.
Choisissons-en quelques-uns dans la famille de Lila pour commencer. La jeune fille rêve de sortir de la misère en imaginant que son père cordonnier pourrait ouvrir une boutique de chaussures de luxe que son frère Rino aurait créées.
Sa mère, dont le rôle le plus joyeux semble être de surveiller sa progéniture avec extrême rigueur. Le père de Lenù est appariteur à la mairie de Naples, sa mère peut être apparentée à une sorcière. Ajoutons-y Don Achille, à qui on confiera le rôle de l’ogre, Mme Oliviero l'institutrice qui sera la bonne fée, Donato Sarratore dont le métier ne cheminot ne va pas empêcher de taquiner la muse, Pasquale le maçon communiste, Antonio le mécanicien courageux et Stefano le charcutier-épicier qui va jeter son dévolu sur Lina et finir par l’épouser.
La noce qui clôture ce premier tome restera sans doute longtemps dans votre mémoire, notamment en raison de la présence de deux frères qui vont s’inviter à la fête.

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Avec Le Nouveau nom nous avons basculé dans les années soixante. Lina semble devoir être la reine du quartier, mais on comprend assez vite que sa nouvelle vie de couple n’est pas précisément ce à quoi elle aspirait : «Si rien ne pouvait nous sauver, ni l’argent, ni le corps d’un homme, ni même les études, autant tout détruire immédiatement. »
Voilà Lina jalouse de Lenù qui continue à suivre ses études et n’a pourtant pas non plus une vie facile. Si le parcours des deux amies semblent les éloigner l’une de l’autre, elles vont finir par se retrouver pour des vacances communes à Ischia. C’est là, dans un décor idyllique au bord de la mer, qu’Elena Ferrante a choisi de nous offrir l’épisode choc de ce second tome. On y verra la grandeur et surtout la décadence de la belle Lila et la chrysalide Lenù se transformer en papillon et entamer la danse de la séduction, empruntant par la même occasion les habits de la Fée bleue. Cette histoire, imaginée par Lila et saluée par Mme Oliviero, est le symbole de leurs parcours croisés. Lila aurait dû être écrivain, mais c’est Lenù qui endosse le rôle et va chercher à devenir une intellectuelle reconnue, une bourgeoise établie, même si elle promène aussi un sentiment de culpabilité vis à vis de cette amie-ennemie. Car on le sait bien, qui aime bien châtie bien.
Il n’est par conséquent pas étonnant de voir ce second tome se clore sur une double naissance: celui d’un fils pour Lila, celui d’un livre pour Elena.

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Comme je l’ai souligné en introduction de cette chronique qui présente les trois tomes de cette saga, Celle qui fuit et celle qui reste est une superbe réussite et peut très bien se lire sans avoir mis le nez dans les deux premiers tomes, d’autant que l’auteur nous offre un résumé et la galerie des personnages dès le début du récit. Nous sommes désormais au seuil des années 1970, au moment où il semble bien que l’amitié entre Elena et Lila a volé en éclats. Éloignées géographiquement et sentimentalement, les deux femmes ont désormais des trajectoires diamétralement opposées, même si leur aspiration à la liberté reste toujours aussi forte et aussi difficile. Après la parution de son roman, Elena va rejoindre son fiancé Pietro à Florence, tandis que Lila, qui a réussi à se séparer de son mari violent, doit subvenir à ses besoins et à ceux de son fils Gennaro en travaillant dans une usine de charcuterie non loin de chez elle, en banlieue napolitaine. Alors que l’une tente de refaire sa vie avec Enzo, l’autre essaie d’oublier le beau Nino. Autour d’elles, l’Italie est aussi en train de basculer dans la violence, les révoltes étudiantes et les années de plomb.
La grand talent d’Elena Ferrante – et c’est sans doute ce qui rend son roman aussi addictif – est justement de parvenir à faire de petits détails biographiques un matériel historique qui nous permet de littéralement «vivre» la période traversée. L’influence de la camorra dans les quartiers populaires de Naples, les tensions entre groupuscules fascistes et révolutionnaires d’extrême-gauche sont ici incarnées, tout comme le machisme que l’on dépeint trop souvent comme ordinaire et qui aliène pourtant la presque totalité des femmes, y compris lorsqu’elles ont un statut social plus élevé.
Rendez-vous à la rentrée littéraire de septembre pour découvrir L’Enfant perdue, le dernier volet de cette tétralogie.
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Hcdahlem - - 64 ans - 26 janvier 2017