Mauvaises nouvelles
de William Trevor

critiqué par Henri Cachia, le 2 janvier 2017
(LILLE - 62 ans)


La note:  étoiles
Excellentes Nouvelles...
Au début de la quatrième de couverture, on peut lire « A l'heure où il décidait de se consacrer plus particulièrement au roman (En lisant Tourgueniev, Ma maison en Ombrie, Le Silence du jardin, Le Voyage de Felicia, Mourir l'été), le New Yorker saluait l'Irlandais William Trevor, de façon subtilement décalé, comme « le plus grand auteur vivant de nouvelles de langue anglaise »...

Bien sûr, comme toutes les quatrième de couverture, celle-ci est faite par l'éditeur et cherche par conséquent ce qui flatte le plus son poulain. Donc ce qui est le plus vendeur.
Mais dans ce cas, on n'est pas loin de le penser, même si on n'a pas la prétention d'avoir lu l'ensemble de ce qui se fait dans cette catégorie.

Ce sont les 3 dernières nouvelles (1-Le Court de tennis, 2-Le Pavillon d'été, 3-Le Salon), réunies en une seule sous le titre l'Angleterre de Matilda, qui ont plus particulièrement retenu mon attention, au point que graduellement je me suis laissé entraîner malgré moi dans des zones que je croyais enfouies très profondément.

L'écriture de William Trevor, je ne sais par quelle magie, excelle dans sa manière de planter le décor d'entrée de jeu en très peu de phrases, passer de la réalité des personnages à leurs rêves tout en flirtant avec le cauchemar.

"L'Angleterre de Matilda" annonce déjà le romancier, puisqu'elle fait un peu moins d'une centaine de pages. Elle débute alors que le personnage principal Matilda a 9 ans en 1939, et on imagine qu'elle a la soixantaine dans les années 80.

Quasiment une saga, où Mrs. Ashburton, autre protagoniste peu présente physiquement, mais déterminante dans l'imaginaire de Matilda, qui façonnera la personnalité de celle-ci à son insu. Jusqu'à la « folie ».

L'évocation de la guerre 14-18 et ses dégâts verra revenir Mr. Ashburton très touché psychiquement. Puis une grande fête se terminera par l'annonce de la seconde guerre mondiale, avec les départs du père, du frère adulé...

Je ne peux pas en dire plus sur l'histoire, ce serait dévoiler le plus intéressant et passionnant, et délirant...

Laissez-vous envoûter par cet écrivain, qui nous suggère consciemment ou inconsciemment, peu importe, qu'il y a une certaine réalité et que nous l'interprétons par le prisme de nos fantasmes, de nos propres désirs et leurres.

Extrait : « … Je me souviens du sentiment que j'avais éprouvé, plantée là à épier la conversation : le traumatisme subi par Mr. Ashburton dans les tranchées en 1917 et qui l'avait rongé à son retour à Challacombe s'était transmis à son épouse sous une autre forme, et elle avait été, autant que lui, victime de la violence. Je devais cette impression au fait que c'était plus ou moins ce que Miss Pritchard expliquait à ma mère : « Les guerres font des victimes à des milliers de kilomètres du champ de bataille », disait-elle. Elle parlait de moi. J'avais attrapé l'état d'esprit de la vieille Mrs. Ashburton, poursuivait-elle... »

Une très prochaine lecture sera assurément un roman de William Trevor.