L'inconnue
de Lucien Daudet

critiqué par Alceste, le 30 décembre 2016
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Un autre Daudet
On peut difficilement imaginer deux frères plus dissemblables que Léon et Lucien Daudet, les deux fils d’Alphonse Daudet. L’un rond, querelleur, jovial, jouisseur, adulateur de la gent féminine, l’autre fin, élégant, discret, plutôt porté sur les amitiés masculines, et comme chez les Daudet on est écrivains, là aussi les différences de tempérament sautent aux yeux. Chez Léon, le style est rabelaisien, coloré, plein de saillies, de rosseries. Le style de Lucien, lui, est encore fort teinté de symbolisme, et donc inévitablement plus mièvre. C’est sur un ton solennel, un peu compassé, mais toujours impeccable, qu’il tresse des couronnes de fleurs délicates à l’intention, par exemple, de l’impératrice Eugénie, puisque c’est elle, « l’Inconnue » que le titre désigne.

Pour avoir fréquenté sa maison pendant de longues années, Lucien Daudet se fait un honneur et un devoir de restaurer l’image de celle qui a eu le triste privilège de survivre 50 ans à la chute de l’Empire, 47 ans à la mort de son mari l’Empereur Napoléon III et 41 ans à la mort accidentelle de son fils unique, le Prince impérial.

Plutôt qu’une biographie, on a affaire ici à un portrait, voire un panégyrique, où sont alignées les qualités sans pareilles de l’ « Impératrice », avec la majuscule de rigueur. Beauté, élégance, générosité, modestie, énergie, intelligence, aucune ne manque à l’appel. Ainsi s'exprime l'auteur : "Il n’y a pas un courrier qui n’apporte à Farnborough Hill et à la villa Cyrnos (les résidences de l‘Impératrice dans son exil anglais) une quantité d’appels de détresse, et le dépouillement de cette correspondance occupe une personne exclusivement chargée des secours de l’Impératrice, avant qu’elle-même n’en vérifie le bien-fondé et l’urgence. Cela suffirait seul à prouver une charité continue, penchée sur la misère humaine, car s’il y a une franc-maçonnerie aussi solide que celle du capital dans sa défense contre la pauvreté, c’est l’entente des pauvres pour se renseigner sur les portes où l’on ne frappe pas en vain. Celui qui reçoit beaucoup de demandes d’argent, en donne beaucoup, celui qui en reçoit peu donne peu. »

En bas de page, des notes illustrent par des anecdotes édifiantes ou curieuses les généralités exposées dans le corps du texte. Ces notes, plus concrètes et donc plus éclairantes, figurent dans la nouvelle édition augmentée qui a suivi la mort de l’Impératrice, en 1920. Des chapitres sur les derniers instants de l’Impératrice et ses funérailles, ainsi que sur certains points controversés ont également été ajoutés.

Finalement, un ouvrage documentaire qui en apprend plus sur son auteur que sur le sujet traité.