Les échoués
de Pascal Manoukian

critiqué par Saule, le 2 janvier 2017
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Docu fiction
Ce roman raconte l'histoire de migrants dans leur parcours vers la France. C'est un roman très documenté : on sent que l'auteur, qui est journaliste, sait de quoi il parle. Il raconte donc le périple d'un Moldave (chassé de son pays par la chute du communisme en 1992), un Bangladais et un Somalien (qui fuit le guerre civile et les fous de Dieu). Les trois sont en route vers la France et leurs destinées vont se croiser.

C'est très instructif : les conditions de voyages aux mains des passeurs pas scrupuleux, les nuits passées en forêts ou dans des squat insalubres, la prostitution dans les camps de réfugiés, les bidonvilles,.. toute une société qui vit dans la précarité, dans des camps de roulottes,.. Le roman laisse entrevoir ce qu'on préfère souvent ne pas entendre. Assez choquant aussi, les chantiers menés par des sociétés qui ont pignon sur rue et qui se ravitaillent de main-d'oeuvre flexible sur un marché parallèle. Une pratique qui semble presque tolérée, une forme d'esclavage économique.

L'histoire est fort prenante et on s'attache aux personnages, le roman prend le dessus sur le reportage ce qui permet de garder l'attention du lecteur. Malgré la dureté de la situation des personnages il y a des lueurs d'espoir et de solidarité. Après avoir lu le livre il n'est pas possible de nier ce que vivent ces gens et on se sent bien impuissant et égoïste devant tant de souffrances.
Naufrage. 9 étoiles

Chanchal vient du Bangladesh où il ne fait pas bon vivre. Là-bas comme ailleurs n'importe quel analphabète prend une arme et parle au nom d'Allah. Cela donne une mauvaise haleine à l'Islam mais il faut subir toutes les odeurs ou alors fuir.
Virgil a quitté la Moldavie, il y a laissé sa femme et ses enfants en s'endettant pour payer les passeurs. Sa famille restera au pays en caution.
Assan et sa fille Iman se sont enfuis de Somalie. Iman excisée à 7 ans, les lèvres cousues pour garantir une virginité que la coutume exige.
A son arrivée en France Assan avait fait le calcul de son exode : six mille six cent quarante-quatre kilomètres parcourus en 370 jours, soit 1,496 kilomètre à l'heure, soit quatre fois la vitesse du boa.
Ils sont censés ne jamais se connaître, mais après un périple où l'innommable de la souffrance et de l'avilissement se produit au quotidien, ils finiront par se rencontrer quelque part dans le Val de Marne.
Tous sont endettés, sans papiers et clandestin.
Trois règles s'imposent. Conserver de bonnes dents pour se nourrir de tout, avoir des pieds en bon état pour être toujours en mouvement, se protéger du froid et de la pluie pour rester vivant. Le confort ? ... il faut savoir renoncer à tout.

Qu'en penser ?
Un livre dur, parfaitement documenté et écrit avec un style accrocheur. Porteur d'un message, Pascal Manoukian ne recule devant rien pour exprimer sa rage. C'est bien structuré et le ton est juste. Le lecteur est provoqué pour réagir et je pense que cette lecture peut faire changer des points de vue.

Excellent !

Monocle - tournai - 64 ans - 19 juin 2017