Entretiens et conférences, tome 1 de Georges Perec

Entretiens et conférences, tome 1 de Georges Perec

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Kinbote, le 8 avril 2004 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 8 étoiles
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Perec par lui-même

Ce premier tome rassemble toutes les interviews et conférences données par Perec depuis la parution de Les choses en 65 jusqu’à celle de La vie mode d’emploi en 1978.
Pour le grand public Perec n’a été pendant cette période que l’auteur de ces deux livres-là. Alors qu’on constate qu’il n’a cessé d’écrire, et dans des genres très divers : théâtre, livret d’opéra, poésie sous contrainte... Ce n’est pas un hasard si les principaux entretiens ont eu lieu à propos de ces deux ouvrages.
On apprend que Perec a été considéré, à tort, pour Les Choses, comme un sociologue. Alors que ce livre est entre autres un « à la manière de Flaubert » et que ce jugement, de même que la pluralité des genres auxquels il s’est adonné, a voilé ses travaux postérieurs : critique et public ont vainement attendu de lui un livre semblable... Mais c’était méconnaître Perec. Comme il le fait observer à plusieurs reprises, Perec ne refait jamais le même livre.
En 69, il découvre et devient membre de l’Ou(vroirde)li(ttérature)po(tentielle). Très vite, et surtout après le décès de Queneau, il en deviendra le membre emblématique, même si en toute modestie mais sans complaisance (il ne craint jamais de citer les artistes qu'il abhorre) il prend soin de nommer ses emprunts à des écrivains passés ou des amis tels que Harry Mathews ou Jacques Roubaud, deux autres membres de l’Oulipo.
Perec qui craint de se confier directement dans l’écriture ne peut éviter la question autobiographique dans « W ou le souvenir d’enfance », où il aborde la disparition de sa famille, victime de la Shoah.
La sortie du film « L’homme qui dort », tiré de son deuxième roman, qui connaît un succès critique, sera l’objet de nombreuses interviews dans la presse spécialisée.
Il semble enfin que La vie mode d’emploi soit un livre inépuisable tant d’un point de vue romanesque (un réservoir d’histoires sans pareil) que du point de vue critique, qu’on se retrouve face à lui comme devant l’oeuvre de Perec, dans un questionnement incessant.
On apprend aussi que Georges Perec a toujours mené une activité revuistique ; il fut le fondateur avec Paul Virilio et Jean Duvignaud entre autres de la revue Arguments.

Quelques propos tirés de ses interventions...

J’avais besoin d’un modèle et je ne refuse pas les influences. A mes yeux, le style de Flaubert est le plus glacial qui soit et cette froideur m’était nécessaire. (1965)

Par rapport à ses personnages, un auteur a peu de liberté : il peut être au-dessus d’eux, ou bien en eux, à l’intérieur d’eux ; moi j’ai choisi d’être à leurs côtés. (1965)

On a à peu près autant de chance d’agir sur le monde en écrivant un livre que d’arriver à devenir millionnaire. (1967)

Si vous voulez, je peux définir mon écriture comme une espèce de parcours – il y a une très belle phrase de Michaux qui dit : « Jécris pour me parcourir » - , comme une espèce de parcours, une espèce d’itinéraire que j’essaie de décrire à partir, disons, d’une idée vague, d’un sentiment, d’une irritation, d’un refus, d’une exaltation, en me servant non pas de tout ce qui me tombe sous la main, mais de tout un acquis culturel qui existe déjà. (1967)

A l’image, certes altière, mais plus assez tumultueuse qui gouvernait depuis trop longtemps la structure de la narration, c’est-à-dire l’image du fleuve, vont succéder celles de l’arbre, de l’épi, des tiroirs. (1967)

L’oeuvre de Picasso est toujours pareille, elle est comme une variation sur un même tableau malgré la diversité des techniques utilisées. En revanche, chez Klee, chaque tableau est différent, chaque tableau est la résolution d’un problème différent. Je fais partie des artistes comme Klee. ( 1974)

L’approche méticuleuse du réel conduit à cette échappée infinie, et ce qui m’amuse, c’est la mise en abîme des choses vues (...) J’aime cette impression que l’on n’en finira jamais. (1978)

Chaque fois qu’on veut appliquer rigidement un système, il y a quelque chose qui coince. Pour qu’on puisse fonctionner dedans en liberté, il faut introduire une petite erreur. On connaît la phrase de Klee : « Le génie, c’est l’errreur dans le système. » (1978)

Au bout de quelques semaines d’exercice, on s’aperçoit qu’écrire sans « e » procure une vraie joie, en ce sens que la contrainte lève tout un système de censure d’approche, de censure de récit. C’est un accès au romanesque. (1978)

Le sport est une déformation, une dépravation du jeu. Le sport tansforme en compétiiton ce qui était plaisir. » (1978)

Perec cite volontiers cette phase tirée de son roman « Les revenentes » (où chaque mot contient un « e ») dont ce pourrait être la devise : « Je cherche en même temps l’éternité et l’éphémère. »

Rappelons que tous les livres de Perec ont été judicieusement critiqué sur ce site par Lucien.

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