Les ruelles montent vers la nuit
de Philippe Leuckx

critiqué par Kinbote, le 14 décembre 2016
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Poésie d'approche
Philippe Leuckx pratique une poésie ténue, mais aux solidement attachée aux éléments, qui, plus elle est subtilement encrée, plus elle s'ancre dans l'humain.

Il creuse le sillon de l’intime entre ombre et clarté, entre légèreté aérienne et gravité terrestre pour parler à chacun le langage du cœur.

" Le cœur ignore souvent les berges de l’approche. "

C’est dans la mise à distance relative, dans le mécanisme d’approche que tombent peu à peu les masques et que s’atteignent les choses de l’âme et de l’esprit, ce souci de vivre, le juste souci du peu qui s’ouvre, pour se hisser à la hauteur des premiers miracles avec beaucoup de prévenance à l’égard du ciel.

" Nous sommes toujours à distance égale de la présence et de l’oubli. "

Comme souvent chez Leuckx, ce temps propice à la poésie est la tombée du soir, quand la lumière dépasse à peine les murs, quand les ruelles montent vers la nuit. La ville est le lieu des réminiscences ; emprunter ses rues et ruelles, suivre les berges du fleuve, c’est remonter dans son passé, recueillir le temps et les mots, tombés des âmes dans les reliefs d’ombre et de lumière qui font se ressembler, se rassembler lieux et souvenirs, toucher du fil des sens l’enfance...

À la faveur du soir tombant, quand les bruits diurnes s’estompent pour laisser place aux premières rumeurs de la nuit, où tintent les grelots insaisissables des souvenirs, où la lumière est sourde, on peut alors revenir à l’intime des lieux au hasard des livres.

Au matin qui revient inévitablement, quand les collines et les jardins gardent toute leur profondeur, tout est à refaire. Jusqu’au da capo vespéral, qui invite à rejouer le jour, la vie jusque là vécue. Remettre sans cesse l'ouvrage de poésie sur le métier à tisser la trame du temps, telle est la tâche sans fin de l’arpenteur de lumière.

" On ne demande qu’un peu de nuit

Ou de songe sur la tombée du monde

On s’avoue un peu de peine

Il y a si longtemps

On n’est pour soi

Qu’une poussière qui tremble "

Entre phrases ultra sensibles et vers libres, Philippe Leuckx écrit cette prose des yeux vers la beauté qui réjouit, réconforte, raffermit notre présence au monde et aux autres.