Nos années sauvages
de Karen Joy Fowler

critiqué par Sentinelle, le 31 décembre 2016
(Bruxelles - 54 ans)


La note:  étoiles
Une soeur pas comme les autres
Rosemary était une petite fille si bavarde que ses parents lui disaient de commencer au milieu lorsqu’elle racontait une histoire. Mais cela ne l’empêchera pas de s’enfermer volontiers dans le silence après la disparition de sa sœur, pas vraiment… hmm comment dire… pas vraiment comme vous et moi. Je ne suis pas très claire ? C’est voulu. Mais il est important de ne pas dévoiler les dessous de l’intrigue et de respecter la démarche de l’auteur. Aussi, il faudra parvenir à la cinquantième page avant de comprendre qui était réellement Fern, la sœur de Rosemary, et lire une cinquantaine de pages supplémentaires pour bien cerner tous les enjeux du roman. C’est également le nombre de pages qu’il m’a fallu lire pour comprendre pourquoi l’auteur citait systématiquement en exergue, à chaque début de chapitre, un extrait du Rapport pour une académie de Frank Kafka. Sachez également que Rosemary entamera l’histoire de sa vie en respectant la consigne de ses parents, c’est-à-dire en commençant sa narration par le milieu, avant de reprendre par le début et de poursuivre ensuite par le dernier tiers.

Comment parler d’un roman que j’ai beaucoup aimé sans trop dévoiler l’intrigue ? En restant volontiers dans le vague, tout en révélant quelques thèmes majeurs du récit, comme la rivalité fraternelle et l’importance de la fratrie dans le développement de la personnalité, les jeux de miroir et d’identification dans la construction de son identité, la mémoire sélective, le mensonge, la culpabilité, les non-dits, la perte. La révolte et le recours à la violence en réponse à la violence dans le traitement de ceux qui nous sont différents. Car il est aussi question de droit, de justice, de l’importance de l’action pour lutter contre une certaine injustice. Sans oublier l'empathie que nous ressentons pour tous les membres de la famille, notamment envers Rosemary, qui a souvent le sentiment de n’être jamais à sa place ni de trouver un endroit où être soi, avec son côté « vallée dérangeante » pour avoir grandi dans une famille pas comme les autres, en donnant toujours l’impression d’avoir un truc qui cloche, de "pas normal".