Datés du jour de ponte
de Bernard Bretonnière

critiqué par Débézed, le 21 novembre 2016
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Vers frais
Pour parodier la chanson, «Il est libre Max », on pourrait dire que dans la poésie « il est libre Bernard », il use et abuse même de cette liberté jusqu’à répéter les mots qu’il aime comme s’il suçait des bonbons par poignées. Il écrit des vers aussi libres que son jugement vis-à-vis de ses contemporains et en premier lieu de ceux qui se disent poètes sans l’être vraiment, il leur préfère clairement ceux qui le sont sans jamais s’en vanter.

« Rares les femmes
qui seraient un remède à l’amour.
Nombreuses les lectures remèdes à la poésie ».

« Ceux-là qui sont poètes ès attitudes ès attributs
ne veulent pas ce que je veux ».

Dans ce recueil, Bernard Bretonnière a rassemblé une cinquantaine de poèmes (à vue de nez) tous datés du jour de la ponte par le poète lui-même, mais si le jour et le mois sont bien précisés, l’année, elle, ne l’est pas, il est donc préférable, pour dater ces textes, de se référer à l’âge de Pauline, la fille chérie du poète, la petite dernière, qui n’a que quelques mois au début du recueil pour atteindre au moins huit ans à la fin. Ainsi dûment datés, comme les œufs de l’élevage de mon village natal, les poèmes de Bretonnière pourraient constituer, selon le préfacier, Jean Pierre Verheggen, une sorte de journal intime ou peut-être, selon moi, une éphéméride à la mode du poète. Un journal ou une éphéméride qui évoque très largement la famille, le lignage, le père, le fils, la fille, l’épouse, Reine, la difficulté d’être le fils de ou le père de…

« Fils ignorant honteux
qui en sait tellement moins que son père »

Et quand on parle de filiation, on ne peut évidemment pas cacher le temps qui s’écoule inexorablement comme le dit le poète avec beaucoup d’élégance :

« Ce soir nous sommes réunis
Guiseppe…
peu importent les identités particulières mais je comprends
brutalement ce soir
que nous allons devenir
bientôt
de vieux messieurs j’en suis abasourdi. »

Ceux qui n’apprécient que la poésie classique, trouveront peut-être que Bernard Bretonnière s’autorise une bien large portion de liberté mais tous les autres se régaleront, goûtant notamment les belles répétitions assonantes glissées par le poètes dans ces textes :

« Ce type donc
moi
et d’être là
celui-là
cet étrange étranger
rendu là … à ce point là … »

« Rue de Sèze Hôtel de Sèze chambre seize
ça ne s’invente pas ».

Il est libre Bernard, il prend la vie à bras le corps, il jette les mots pour le dire à pleine voix et à répétition, entouré de ceux qu’il aime et qui l’aiment, sa famille, ses amis, sans jamais oublier tous ceux qui l’ont ravi avec leurs mots, écrivains incontournables ou auteurs talentueux mais insuffisamment reconnus, tous amis des lettres, des mots et des vers.