Qui gouverne le monde ? L'état du monde 2017
de Bertrand Badie, Dominique Vidal

critiqué par Colen8, le 19 novembre 2016
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Dominations sans frontières, Etats en mal de souveraineté
La puissance des Etats selon la définition de Max Weber se trouve noyée dans la mondialisation rendant inefficace et caduque leur capacité à intervenir aussi bien chez eux en interne que sur la scène internationale. A lire les contributions multiples de ces politologues, économistes, journalistes, historiens, sociologues, on ne doute plus de l’emballement d’un monde de moins en moins gérable. Cela se voit dans les conflits du Proche-Orient et d’ailleurs, dans les crises à répétition de l’économie libérale, dans le creusement des inégalités sociales, les menaces sur l’environnement et leur impact sur la biodiversité, le changement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, la négligence sur les biens communs vitaux de l’humanité tels que l’air et l’eau.
A côté de la souveraineté relative des Etats grandit la puissance d’une pluralité d’acteurs déterritorialisés n’obéissant qu’à eux-mêmes, ne servant que leurs intérêts, certains plus légitimes que d’autres, et dont les influences sont renforcées par le numérique. On connait déjà les institutions internationales ayant des pouvoirs d’ingérence politique, militaire, juridique. On mesure moins l’influence occulte des entreprises transnationales et de leurs lobbies privilégiant la rémunération des actionnaires à la responsabilité sociale, sachant jouer à la perfection de l’optimisation fiscale, celles des institutions financières dérégulées, les ONG n’agissant pas toujours dans la sphère humanitaire, les diasporas dont certaines sont plus que centenaires, les institutions religieuses se voulant universelles, les marchands d’armes, les milices privées, les medias en manque de neutralité et d’indépendance, les entreprises culturelles manipulant les esprits, les réseaux et trafics de toute nature, ceux de la corruption, de la grande délinquance, de la drogue, du terrorisme sans oublier les mouvements migratoires massifs.
Les instruments de la domination sont protéiformes, jouant selon les moments et les circonstances tantôt du hard, tantôt du soft power. Ce sont des moyens de coercition à partir d’objectifs à eux, de temporalités différentes, de règles échappant aux normes habituelles, par exemple sur la monnaie, sur les taux d’intérêt, sur les dettes publiques. La puissance des créanciers sur la dette publique des Etats est un instrument de domination autrement plus puissant et moins onéreux que la colonisation ou l’occupation militaire. Les manifestations populaires, des occupations récurrentes des espaces publics sont le signe d’une inquiétude de déclassement. Celle-ci se traduit aussi par l’élection de dirigeants nationalistes et populistes notamment en Europe, par un Brexit inattendu, par la victoire républicaine d’un Donald Trump.