Vox populi
de Patrick Nicol

critiqué par Libris québécis, le 14 novembre 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Un homme bien ordinaire
Marc Langevin est un commis dans un cégep (lycée) de Sherbrooke. Dans un local grand comme un mouchoir de poche, il prête aux élèves des dictionnaires et des Bescherelle. Aux enseignants, il prête des appareils audiovisuels pour leurs cours. La journée terminée, tous doivent rapporter ce qu’ils ont emprunté. Ce retour s’effectue rondement. Marc sait s’organiser pour se simplifier la tâche.

Le roman s’attache uniquement à ce personnage qui n’attend pas grand-chose de la vie. « Ça tombe bien, la vie n’attend rien de lui. » Son emploi n’est pas très valorisant, mais il s’en contente sans bougonner. À chacun son dictionnaire pour assurer son année scolaire. Marc n’est pas une coquille vide. Même si son bagage intellectuel n’est pas le fruit d’études universitaires, il se croit capable de rivaliser avec le corps professoral dont sa femme fait partie. Je pourrais enseigner, pense-t-il. Il a tant entendu les uns et les autres qu’il s’est formé une opinion sur tout. Comme dit la sentence consacrée, il s’est formé à l’université de la vie. Quand on n’est pas sourd, le savoir peut devenir plus lourd. Et Marc tend de le partager, mais sa femme le retient injustement d’exprimer sa pensée devant ses collègues. Pourtant, dans les salles de repos où l’on mange, le discours est à la futilité en laissant comprendre par des sourires en coin que l’on ne se nourrit pas de fatuité. En fait, tout ce beau petit monde ne carbure pas nécessairement aux produits portant le sceau de l’excellence. On est plutôt influencé par la vision que véhiculent les chaînes de télévision formatrices de l’esprit de ceux qui s’en repaissent. Le roman prend sous cet angle un air d’essai qui illustrerait comment les médias contribuent au crétinisme de tout un chacun.

Derrière l’étude sociale, il y a heureusement des cœurs qui battent au rythme des sentiments. Le portrait du héros est plutôt réussi. Avec Robert Charlebois, il pourrait chanter, je suis un homme bien ordinaire. En cette journée du 25 mars 2013, il repasse en revue le bilan de sa vie. Commis marié à une femme qui l’a quitté, il vit comme un solitaire soupirant après la bouée que lui apportera sa fille en venant dîner avec lui en cette journée de son retour du Brésil. Fleurs, vin et macaroni l’attendent pour célébrer cette rencontre qui a occupé toute sa journée. De retour à la maison, un texto lui apprend la désolation d’Audrey de rater ce rendez-vous. Et la petite vie, comme le titre de l’émission bien appréciée au Québec, continue sans haut et sans bas. C’est la surface lisse d’un quotidien qui devrait s’attacher aux deux pandas que la Chine a envoyé au gouvernement canadien. C’est ça l’important.

Ce n’est pas le meilleur roman de Patrick Nicol. Mais l’éventail de ses lecteurs s’agrandira parce que l’auteur touche à des enjeux qui concernent l’homo sapiens occidentalis. Il est victime de ce qui forge la vox populi. En fait, ça donne un roman un peu cynique et défaitiste. Idéalistes, s’abstenir.