Le commis
de Bernard Malamud

critiqué par Saule, le 2 avril 2017
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Des gens marqués par le destin...
Bernard Malamud est un écrivain juif américain majeur dont l'oeuvre est actuellement ré-éditée par Rivages. Ce formidable roman, "Le commis", est considéré comme son chef-d'oeuvre (selon Times c'est un des 100 livres du XXème siècle).

Le roman se passe entièrement dans une petite épicerie tenue par un émigré juif, Morris, qui vit dans l'immeuble avec sa femme Ida et sa fille Helen. L'épicier tire le diable par la queue et la vie ne lui épargne aucun coup du sort. Depuis la mort de son fils, il vivote dans son épicerie comme dans une tombe. Tout ce qu'il entreprend est voué à l'échec, comme si il était marqué par le destin. Mais il reste intègre et accepte son sort avec le fatalisme propre à ses ancêtres. Par un concours de circonstances, il engage un jeune vagabond, comme commis. Un jeune homme ambitieux et qui a un bon fond mais qui a eu une vie misérable : il va évoluer lentement au contact de ce juif intègre et surtout de sa fille dont il tombe amoureux. Il se pose des questions sur la judéité, sur ce qui peut donner la force à un homme tel que Morris d'accepter son destin misérable, en se "drapant dans la souffrance comme dans un habit".

C'est donc un roman qui se passe presque à huis-clos, une évocation émouvante et puissante d'un petit boutiquier écrasé par les coups du sort et d'un jeune italien qui se transforme à son contact. Il ne faut surtout pas lire la préface avant le livre. Au contraire, en arrivant à la fin j'ai eu besoin de relire tout le livre à la lumière de la dernière page qui est absolument magnifique. Tout au long de ce roman j'ai eu le sentiment de lire un chef-d'oeuvre et en le refermant j'en avais la certitude. Un livre qui m'a vraiment marqué.
Un conte moralisateur à connotation religieuse 8 étoiles

Je ne reviendrai pas sur l'histoire fort bien introduite par Saule.
Comme indiqué en titre, "Le commis", sous un habillage réaliste, fait plutôt figure de conte moral dont le message à connotation religieuse se dévoile peu à peu.

Malamud s'y révèle un excellent conteur qui sait ménager ses effets, ses rebondissements et captiver son lecteur jusqu'à la fin. Cela constitue d'autant plus ici un véritable tour de force que tout se déroule dans l'espace restreint et l'univers étriqué d'une petite épicerie au cœur de Brooklyn où se noue cette relation centrale entre les deux personnages masculins principaux que l'auteur a su nous rendre attachants et souvent émouvants.

[Spoiler ?] La rédemption par la souffrance et le sacrifice, tel est le thème central de cette fable dont le message distillé peu à peu ressort et s'impose dans une fin particulièrement abrupte et surprenante dans sa radicalité. Je dois dire que je ne m'attendais pas du tout à cela et cette valorisation de la souffrance n'a pu rencontrer ma sensibilité et mon adhésion.

Ceci dit, je m'en voudrais de détourner le lecteur potentiel de cet ouvrage. Indépendamment de mon appréhension personnelle du fond, je rejoins tout à fait Saule sur le fait qu'il mérite largement d'être lu.

Myrco - village de l'Orne - 74 ans - 17 septembre 2018